L'impensable s'est produit. Derrière les hautes façades de la préfecture de police, dans les bureaux de son service de renseignement, la DRPP réputée être dirigée d'une main de fer, Mickaël H., un agent administratif employé comme informaticien, a entrepris jeudi un périple meurtrier qui s'est soldé par la mort de quatre fonctionnaires, trois hommes et une femme, avant d'être abattu.
Cette "tragédie" est "d'autant plus terrible qu'elle est survenue à l'intérieur de la préfecture et qu'elle a été portée par l'un d'entre nous", a déclaré Didier Lallement, le préfet de police de Paris résumant la stupeur et le traumatisme qui ont saisi une institution "frappée dans son cœur comme jamais".
La saisine du parquet national antiterroriste (PNAT) et les premiers éléments de l'enquête qui ont filtré, au milieu d'une maelstrom de rumeurs, ont rajouté au trouble. Ils dessinent le portrait encore flou d'un agent qui a basculé dans la violence meurtrière, avec en arrière fond une pratique religieuse radicale ou en "voie de radicalisation".
Y avait-il des signaux avant-coureurs? Comme l'a révélé Le Parisien, la brigade criminelle de la PJ parisienne dispose au moins d'un témoignage faisant état d'un commentaire ambigu de Mickaël H. au moment de l'attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015, ont confirmé des sources proches du dossier. Ce témoignage récent n'est cependant pas recoupé par d'autres, pour le moment, et les enquêteurs passent au peigne fin archives et dossiers de la DRPP pour retrouver traces d'un signalement.
Prémices ou pas, "il est difficilement explicable qu'il soit passé sous les radars de la DRPP", un service dont l'une des missions est justement la lutte contre le terrorisme, explique une source policière qui pronostique "un séisme" à venir.
"Au-delà du terrible drame, comment se fait-il que dans le cœur de la lutte antiterroriste quelqu'un qui est radicalisé n'a pas été détecté ?", interroge le secrétaire général d'Unité-SGP-FO, Yves Lefebvre. "Il y a des failles dans notre système."
- Vents contraires -
Du côté du ministère de l'Intérieur, on s'astreint à un prudent silence après les déclarations de Christophe Castaner jeudi, qui sur la foi des informations alors disponibles, avait affirmé que l'assaillant n'avait "jamais présenté de difficulté comportementale", ni "le moindre signe d'alerte".
Des propos qui lui valent d'être à nouveau la cible d'un feu nourri de critiques de la part des oppositions de droite et d'extrême droite, qui demandent la démission du ministre et une "commission d'enquête" à l'Assemblée.
Accusée en janvier 2018 par Mediapart d'avoir négligé des messages menaçants d'un des auteurs de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray en juillet 2016 et d'avoir antidaté des documents pour se couvrir, la DRPP avait été vigoureusement défendue par ses autorités de tutelle avant que le parquet de Paris ne conclue à une absence d'infraction pénale dans une enquête ouverte pour "faux et usage de faux".
Contre son gré et dans des circonstances particulièrement dramatiques, ce service de l'ombre se retrouve à nouveau en pleine lumière et sous pression. Or, cela pourraient servir d'arguments à ceux qui au sein de l'appareil policier plaident pour la fin de cette spécificité parisienne et l'absorption de la DRPP par la puissante direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), sur fond de réforme de la préfecture de police, "Etat dans l'Etat", toujours en suspens.
Cet épisode dramatique constitue en tout cas, une nouvelle tempête à affronter pour la puissante institution qui fait face depuis des mois de puissants vents contraires: affaire Benalla, crise des "gilets jaunes" et critiques sur la gestion du maintien de l'ordre dans la capitale, limogeage du précédent préfet en mars et départs de ses principales têtes directrices (direction du cabinet, direction de l'ordre public, direction de la sécurité de proximité).
"Nous avons été touchés au cœur mais nous sommes debout", a affirmé le préfet Lallement.
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