L'entreprise californienne de services de paiements n'a pas justifié sa décision, déclarant simplement qu'elle se retirait de l'association Libra, un consortium de partenaires comme Visa et Mastercard, à qui Facebook a confié la gestion de la monnaie. Ils doivent aussi investir au moins 10 millions de dollars dans le projet chacun.
La nouvelle n'a cependant pas surpris ; des rumeurs circulaient dans la presse. Interrogée par l'AFP en septembre, Gabrielle Rabinovitch, directrice des Relations investisseurs de PayPal, rappelait que l'engagement pris par son entreprise était "non contraignant".
"Il faut de l'audace et une certaine force morale pour entreprendre un projet aussi ambitieux que Libra - l'occasion pour notre génération de faire les choses bien et d'améliorer l'inclusion financière", a réagi Dante Disparte, de l'association Libra.
"La détermination à accomplir cette mission compte plus que tout pour nous. Nous préférons être au courant de ce manque de détermination le plus tôt possible", a-t-il asséné.
Libra est censée offrir à partir de courant 2020 un nouveau mode de paiement en dehors des circuits bancaires traditionnels, permettant d'acheter des biens ou d'envoyer de l'argent aussi facilement qu'un message instantané.
"Pas prête"
Mais le projet suscite l'hostilité croissante de bon nombre de régulateurs et gouvernements. Ils s'inquiètent notamment de la mauvaise réputation de Facebook en matière de confidentialité et de protection des données personnelles. Ils redoutent également que la Libra ne soit utilisée pour tromper le fisc.
La taille de Facebook, premier réseau social du monde avec 2,7 milliards d'utilisateurs (en comptant Instagram, WhatsApp, Messenger...), implique aussi que la nouvelle monnaie pourrait perturber le système financier mondial et rendre la tâche plus difficile aux banques centrales.
Une source proche de l'entreprise a expliqué au Financial Times qu'il "semblerait qu'il n'y ait eu que peu de travail de préparation fait avec les régulateurs financiers" et que les services de paiements tels que Paypal ne souhaitaient "pas voir l'attention des régulateurs déborder sur leurs affaires".
Le Trésor américain a envoyé des requêtes aux partenaires pour leur demander une revue complète de leurs programmes de lutte contre le blanchiment d'argent, d'après une source proche des organisations concernées.
La Libra se veut un outil susceptible d'intéresser notamment les exclus du système bancaire, dans les pays émergents par exemple - une ambition qui correspond à celle affichée par PayPal, de "démocratiser l'accès aux services financiers pour les populations mal desservies".
"Je n'ai vu aucun élément prouvant que la Libra allait être capable d'accomplir tout cela", commente Martin Chorzempa, du Peterson Institute for International Economics, pour l'AFP.
"Bien souvent, des personnes sont exclues du système financier existant à cause des lois qui obligent les banques à "connaître leur client", conçues pour empêcher le blanchiment d'argent", détaille-t-il. "Libra ne me semble pas du tout prête à remplir ces obligations".
"Long et difficile"
L'expert admet que la taille de Facebook peut jouer en sa faveur par rapport à des entreprises qui développeraient des technologies financières très sophistiquées, sans disposer d'un immense réseau d'utilisateurs - une monnaie n'ayant des chances de réussite que si beaucoup de personnes s'en servent.
"Mais si on regarde leurs précédentes tentatives dans le secteur... Les +Facebook Credits+ n'ont pas été vraiment couronnés de succès", remarque-t-il.
Cette monnaie créée en 2009, qui ne pouvait servir que sur la plateforme et certaines applications tierces, devait encourager les utilisateurs à passer encore plus de temps sur le réseau, et donc lui permettre d'accroître ses revenus publicitaires. Elle a été abandonnée en 2013.
"Le voyage sera long et difficile", a reconnu Dante Disparte de l'association Libra.
Les géants des technologies ont entrepris de bâtir des galaxies d'appareils et de services qui maintiennent les utilisateurs dans leur écosystème plutôt que celui du voisin, tout en tâchant de redorer leur image, abîmée par des scandales sur le respect de la vie privée ou encore des accusations de faire des montages financiers pour payer le moins d'impôts possible.
"Je pense profondément que la monnaie doit rester dans les mains des Etats. Je ne suis pas à l'aise avec l'idée qu'un groupe privé crée une monnaie concurrente. Une entreprise privée n'a pas à chercher à gagner du pouvoir par ce biais", a déclaré le PDG d'Apple Tim Cook aux journal Les Echos de vendredi, n'hésitant pas à jeter une branche supplémentaire dans les roues déjà patinantes de Libra.
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