Des dizaines de manifestants, certains masqués, ont afflué en matinée dans le centre de Bagdad, où les forces de sécurité ont tiré à hauteur d'homme sur des protestataires, selon des journalistes de l'AFP.
Des tirs intenses résonnaient à quelques centaines de mètres de l'emblématique place Tahrir d'où est parti le mouvement.
Privés d'Internet depuis mercredi soir pour communiquer ou partager des images de la contestation, les manifestants font face à un imposant cordon de policiers et de militaires déployés sur un rayon de deux à trois kilomètres encerclant la place.
Depuis mardi, jour où a débuté le mouvement à Bagdad, 34 personnes --30 manifestants et quatre policiers--, ont été tuées et des centaines de blessées selon des responsables à travers le pays, où de nombreuses villes sont sous couvre-feu.
Fait inédit en Irak, le mouvement est né sur les réseaux sociaux, avec des appels à manifester qu'aucun parti politique ou leader religieux n'a revendiqués.
"On continue"
Mais les Irakiens, majoritairement chiites, étaient vendredi dans l'attente du prêche du grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour cette communauté et jouissant d'une grande influence politique, qui pourrait faire taire la contestation ou au contraire appeler à ce qu'elle se poursuive.
Sayyed, 32 ans, lui, a fait son choix. "On continue: soit on meurt, soit on change le régime", lance-t-il à l'AFP, dans une rue du centre-ville.
Tard dans la nuit, le chef de gouvernement Adel Abdel Mahdi, en poste depuis onze mois, a réclamé du temps pour améliorer les conditions de vie des 40 millions d'Irakiens, sortis il y a moins de deux ans de près de quatre décennies de guerre et en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable.
Mais au moment même où son allocution était diffusée par la télévision d'Etat, des tirs résonnaient dans Bagdad et deux nouveaux morts étaient recensés dans la province méridionale de Kout, selon des sources médicales et policières.
Et les promesses d'amélioration n'ont pas semblé convaincre les manifestants excédés par les services publics indigents, le chômage qui touche un jeune sur quatre et surtout la corruption qui a déjà englouti quatre fois le budget de l'Etat ces 16 dernières années.
"Ca fait plus de 15 ans qu'on entend les mêmes promesses, elles ne font ni avancer ni reculer la situation et elles ne nous feront pas quitter la rue", rétorque, véhément, Sayyed.
Cette contestation, inédite parce que spontanée dans un pays habitué aux mobilisations partisanes, tribales ou confessionnelles, est le premier test populaire pour le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi.
La prise de position du grand ayatollah Sistani risque d'être déterminante. En 2014, avec une fatwa, il avait mobilisé des dizaines de milliers de combattants contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).
"Saboteurs"
Jusqu'ici, les autorités, qui dénoncent des "saboteurs" et proposent aux protestataires d'appeler un numéro vert pour faire part de leurs revendications, poursuivent leur choix de la fermeté.
Amnesty International a exhorté Bagdad à "ordonner immédiatement aux forces de sécurité de cesser d'utiliser une force, notamment létale, excessive" et à rétablir la connexion internet.
M. Abdel Mahdi a assuré jeudi dans la nuit que les forces irakiennes répondaient aux manifestants "selon les standards internationaux", dénonçant le risque d'un "retour à la militarisation de la société", dans un pays déchiré après l'invasion américaine de 2003 par une guerre civile et des affrontements intercommunautaires meurtriers.
Si les manifestants disent avoir peur de la répression, ils redoutent également une récupération politique.
Le très versatile leader chiite Moqtada Sadr --qui a rejoint la coalition gouvernementale mais menace régulièrement de la faire éclater-- a demandé mercredi soir à ses très nombreux partisans d'organiser des "sit-ins pacifiques".
Tandis que Bagdad s'embrase et que manifestations et violences touchent les provinces de Najaf, Missane, Zi Qar, Wassit, Diwaniya, Babylone et jusqu'à Bassora, le calme prévaut au nord et à l'ouest de Bagdad, régions principalement sunnites et ravagées par la guerre contre l'EI, ainsi qu'au Kurdistan autonome.
Bagdad cristallise les violences car les protestataires cherchent à prendre la place Tahrir, séparée de l'ultrasensible Zone verte --où siègent les principales institutions du pays et l'ambassade américaine,-- uniquement par un pont, al-Joumhouriya, bouclé par les forces de l'ordre.
Symbole fort, les autorités ont refermé ce secteur qui avait été rouvert aux Irakiens en juin seulement, après 15 années de repli derrière murs et barbelés.
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