Devant le parvis de la magnifique cathédrale gothique, habitants et touristes défilaient mercredi, sans que personne ne porte de masque, sans doute parce que l'air n'avait aucune odeur particulière dans le centre-ville. Pourtant, "il y a toujours une inquiétude" quant aux conséquences sanitaires de l'épais nuage noir, glisse Séverine Robert, infirmière libérale, avec sa fille en CM2. "J'ai eu deux jours des maux de tête", affirme-t-elle.
Si Ethan Tocqueville, lycéen à Jeanne d'Arc, se réjouit d'une meilleure qualité de l'air, il remarque que "les fenêtres sont toujours fermées" dans son établissement. Et au cours de sport, "la moitié de la classe n'était pas présente parce que les parents des élèves ne voulaient pas qu'ils sortent...".
Chacun se souvient précisément du moment où il a découvert le spectaculaire incendie de cette usine classée Seveso ou montre sur le téléphone des photos de ce que certains ont qualifié de "marée noire dans l'air".
"Les informations sont contradictoires, on nous dit que c'est une catastrophe écologique mais qu'il ne faut pas s'inquiéter. Ça fait peur", explique Agnès Poupel, 65 ans, présente à la manifestation de mardi soir qui a réuni près de 2.000 personnes.
En haut du mont Saint-Aignan, d'où l'on jouit d'un panorama sur la ville avec sa succession d'usines le long de la rive gauche de la Seine, Guillaume Blavette, membre de France nature environnement, estime être "sur un territoire traumatisé". "Il y a une véritable émotion et une inquiétude palpable de parents d'élèves, des gens qui souffrent de déficiences respiratoires...".
Dans une pharmacie du centre-ville, Sarah a vendu "au moins 400 masques chirurgicaux" à 50 centimes depuis l'incendie "alors qu'habituellement, on en vend très rarement". "On a des gens qui nous demandent des conseils, surtout des gens de passage, pas forcément des personnes âgées", dit-elle, notant aussi une hausse des ventes des médicaments contre les maux de tête et nausées.
"C'était pire avant"
Mais pour certains Rouennais, qui vivent depuis de longues années dans la ville normande, "c'était pire avant", comme l'explique Philippe Laisne, 70 ans, retraité.
"Il y a 40 ans de cela, ça puait le pétrole. Il ne faut pas oublier que Rouen est une ville industrielle, avant il y avait des odeurs beaucoup plus fortes, ça dépendait du vent... Lubrizol est un accident, et comme tout accident, ça peut arriver", philosophe cet asthmatique, qui dit ne pas avoir été spécialement gêné par les conséquences du panache noir.
"Quand on loue ou on achète à Rouen, on est informé des risques Seveso, les gens sont au courant", confie Marie-Claire, ancienne institutrice, qui se dit davantage préoccupée par les conséquences de la pollution pour les agriculteurs.
Sur les hauteurs de la ville, Véronique Chassagne, 59 ans, se promène lors de sa pause-déjeuner. Elle critique ceux qui à la télévisions disent qu'il faut quitter la ville et refuse de "tomber dans la psychose" tant que les résultats définitifs des multiples analyses ne sont pas connus.
"On ne va pas quitter Rouen, qui est une des villes les plus polluées de France et dont l'industrie fait partie de l'histoire de la ville", dit-elle.
Non loin de la rue du Gros-horloge, célèbre artère de la ville, Pia Kruse, touriste allemande de 33 ans, est venue en famille découvrir la Normandie. "On vient de Cologne, une métropole d'un million d'habitant avec beaucoup de circulation et de pollution. Je n'ai rien ressenti de particulier ici au niveau de la qualité de l'air", dit-elle, peu inquiète.
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