Statue géante posée devant une gare en Suisse ou un campus à Poitiers, pochoirs sur les trottoirs parisiens, affiches au design pop placardés pour la journée de la femme (8 mars)... Les exemples sont nombreux de cette apparition dans la sphère publique, mais c'est sur les réseaux sociaux que ce mouvement est le plus visible.
"Tout le monde sait dessiner un pénis, mais un clito...". "Soit on ne sait pas où il est, soit on ne sait pas à quoi il ressemble, soit on ne sait pas à quoi il sert", affirme Camille Aumont-Carnel, à l'origine du compte Instagram "jemenbatsleclito".
Une méconnaissance, qui va souvent de pair avec des conceptions erronées sur la sexualité féminine, comme elle l'a constaté lors d'une conversation entre amis qui fit office de déclic. En réaction, elle a crée il y a un an une page Instagram, en mode "défouloir", pour combattre les tabous liés à la sexualité des femmes au sens large.
Sur sa page suivie par 374.000 abonnés, il est question de désir, de pratiques sexuelles, de règles, de masturbation, de poils ou encore de "fossé orgasmique".
L'idée est de défendre "un féminisme populaire" dont "tout le monde peut s'emparer", explique la jeune femme à l'énergie contagieuse, qui vend aussi des T-shirts "je m'en bats le clito", donne des conférences (le clito-tour) et réfléchit à un one-woman-show.
"C'est puissant"
Vingt ans après "Les monologues du vagin" et alors que la vulve est à l'honneur dans une campagne publicitaire pour une marque de serviettes hygiéniques, pourquoi choisir le clitoris comme signe de revendication féministe ?
"C'est un organe érectile, qui se gorge de sang et provoque l'orgasme. C'est puissant. C'est l'équivalent du pénis", répond du tac au tac Julia Pietri, à l'origine d'un autre compte Instagram à succès, Gangduclito (52.000 abonnés) et autrice d'un "Guide de la masturbation féminine", pour lequel elle a recueilli pas moins de 6.000 témoignages.
Avec un constat : le sujet dérange toujours autant.
"Le clitoris, c'est le lieu par lequel la jouissance des femmes s'exprime pour elle-même, loin de toute emprise avec le masculin" et des questions de reproduction, explique l'historienne Delphine Gardey, autrice de "Politique du clitoris" (ed. Textuel, sorti mercredi).
"C'est l'organe de l'insoumission", souligne l'universitaire qui revient dans son essai sur l'excision pratiquée encore aujourd'hui dans certains pays africains et du Moyen-Orient ainsi que les clitoridectomies pratiquées en Occident "jusqu'à l'époque contemporaine", pour lutter contre les troubles psychiques ou sexuels des femmes.
Réappropriation
"Avant la femme était objet de désir. Là il est question de réappropriation", souligne Julia Pietri. "Au-delà de la libération de la parole, place à la libération des corps", clame la jeune femme engagée dans la campagne de street art féministe "it's not a bretzel", placardant des clitoris sur les murs des grandes villes.
Un mouvement qui s'inscrit dans la droite ligne de #MeToo, mais aussi d'avancées scientifiques et médicales récentes. Parmi elles, les découvertes de l'urologue australienne Helen O'Connell sur l'anatomie complète du clitoris en 1998, la première échographie en 2008 de l'organe en plein coït réalisée par le chirurgien Pierre Foldès, spécialiste de la réparation de l'excision, et la gynécologue Odile Buisson.
La création du premier clitoris modélisé en 3D et en taille réelle par la chercheuse Odile Fillod en 2016 est aujourd'hui en accès libre et imprimable en 3D par tous ceux qui s'intéressent au sujet.
"Les questions posées par les féministes ont eu une audience limitée dans le passé. Là, les activistes s'approprient les connaissances disponibles pour regagner du pouvoir, puisqu'on a été longtemps dans la méconnaissance, dans l'ignorance, dans le déni" concernant le clitoris, souligne Delphine Gardey.
A commencer par son anatomie, puisqu'il a longtemps été réduit à "un petit organe externe" (comparable à un bouton), d'où la pétition - lancée en 2017 et qui a fait grand bruit - pour qu'il soit représenté dans son entièreté dans les manuels scolaires.
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