Le feu vert des parlementaires est indispensable pour qu'elle soit définitivement nommée au portefeuille du "Marché intérieur", aussi vaste que stratégique, au sein du futur exécutif européen.
Mais le contexte autour de la nouvelle Commission de l'Allemande Ursula von der Leyen, censée entrer en fonction le 1er novembre, pourrait compliquer cet examen de passage: deux commissaires ont été retoqués lundi par les élus européens, pour des conflits d'intérêt présumés.
Et le rejet de ces candidats - la social-démocrate roumaine Rovana Plumb et le Hongrois Laszlo Trocsanyi (PPE, droite) - pourrait tenter les élus de ces deux partis de faire tomber, en représailles, un commissaire des Libéraux de Renew, le troisième grand groupe politique de l'UE.
Parmi eux, Sylvie Goulard semble la plus fragile.
Le rejet de M. Trocsanyi "n'est motivé que par des considérations politiciennes et idéologiques (...) Il est hors de question pour nous d'accepter maintenant un +deux poids, deux mesures+", a prévenu le président de la délégation française du groupe PPE au Parlement, François-Xavier Bellamy.
Députée européenne de 2009 à 2017, Mme Goulard a plutôt laissé de bons souvenirs dans l'hémicycle, où ses anciens pairs, de tous bords, louent encore son "professionnalisme" et son "expérience".
"Sylvie", comme ils l'appellent spontanément, reste l'une des leurs, ce qui pourrait jouer en sa faveur au cours des trois heures de ce grand oral qui aura lieu l'après-midi.
Mais le prestigieux CV de celle qui a aussi conseillé l'ex-président de la Commission européenne, Romano Prodi, reste entachée par l'affaire des emplois présumés fictifs des eurodéputés MoDem, qui l'avait contrainte à démissionner du gouvernement français en juin 2017 après seulement un mois.
"Cher payé..."
Mme Goulard reste sous le coup de deux enquêtes: l'une de la justice française, l'autre de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf).
Elle a déjà accepté de rembourser au Parlement européen 45.000 euros correspondant à huit mois de salaire d'un de ses assistants, pour lequel elle n'a pas pu fournir "de preuve de travail". "Un aveu", selon ses détracteurs.
Les élus européens ne devraient pas manquer non plus de l'interroger sur son travail de "consultante", à "plus de 10.000 euros" mensuels, pour un think tank américain, l'institut Berggruen, d'octobre 2013 à janvier 2016, alors même qu'elle était eurodéputée.
Selon cet organisme, fondé par le milliardaire germano-américain Nicolas Berggruen, elle a préparé "des documents d'information", passé des "coups de fil" et aidé à préparer diverses réunions publiques.
"Nous avions besoin d'une personne expérimentée et compétente pour travailler à un niveau très élevé", explique à l'AFP Dawn Nakagawa, vice-présidente de l'institut Berggruen.
"Elle parle plusieurs langues et dispose d'un solide réseau de personnes qui pouvaient être utiles", ajoute-t-elle, jugeant son travail "remarquable".
"C'est cher payé, mais ils ont acheté son carnet d'adresses", estime une source européenne qui l'a côtoyée.
"Elle était payée pour organiser des colloques, des évènements. En fait, satisfaire l'égo d'un philanthrope", ajoute-elle.
Les eurodéputés chargés d'analyser les déclarations d'intérêt des commissaires n'ont en tout cas rien trouvé à y redire, malgré l'opposition de certains, comme Gilles Lebreton, membre du groupe Identité et démocratie (extrême droite).
"C'est absolument scandaleux. Il fallait au contraire l'interroger. Pourquoi a-t-elle touché cet argent ?", a-t-il lancé.
L'intéressée, décrite par ceux qui la connaissent comme "une femme de caractère", parfois "arrogante", reste muette, laissant à son entourage qui affirme qu'elle n'a rien à se reprocher le soin de la défendre.
Derrière elle, les libéraux français font bloc, de l'eurodéputé Stéphane Séjourné, qui n'a "aucun doute sur ses capacités", au ministre des Finances Bruno Le Maire, pour qui elle possède "l'expérience politique et les qualités techniques".
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