La semaine dernière, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a en effet jugé "insuffisantes" les tentatives menées au cours de l'instruction pour recueillir les explications de l'ex-président du conseil d'administration de Flash Airlines, la compagnie aérienne aujourd'hui disparue, a appris mardi l'AFP de source judiciaire.
Le 3 janvier 2004, l'appareil de cette compagnie à bas coût s'était abîmé en Mer Rouge trois minutes après son décollage de la station balnéaire, tuant ses 148 passagers et membres d'équipage, dont 134 Français.
L'enquête judiciaire, ouverte le jour même à Bobigny pour "homicides involontaires", s'était conclue le 11 juillet 2017 par un non-lieu.
S'appuyant sur plusieurs rapports d'expertise, le juge d'instruction avait à l'époque pointé du doigt divers "manquements" de la compagnie en matière de formation des pilotes et de respect de leur temps de repos. Ces causes indirectes avaient pu contribuer à "la désorientation spatiale et aux réactions inappropriées de l'équipage", notait le magistrat.
Mais la société Flash Airlines ayant été liquidée depuis neuf ans, elle ne pouvait plus faire l'objet de poursuites judiciaires et les tentatives d'entendre les dirigeants ont été infructueuses.
Les parties civiles avaient alors attaqué cette décision de non-lieu, dénonçant l'absence de poursuites contre les anciens dirigeants de la compagnie et le manque de coopération des autorités égyptiennes.
Dans un arrêt rendu le 24 septembre, la cour d'appel de Paris leur a finalement donné raison: près de 16 ans après le crash, elle ordonne de renvoyer les 37 tomes de cette procédure entre les mains, cette fois, d'un juge du pôle accidents collectifs du tribunal de Paris pour qu'il tente de recueillir les explications de ce dirigeant et examine ses éventuelles responsabilités dans la catastrophe.
L'Etat condamné
"Je pensais qu'on allait perdre", a déclaré à l'AFP Claude Fouchard, président de l'association de défense des familles de victimes, qui garde à l'esprit les déconvenues des parties civiles dans plusieurs dossiers emblématiques, tels que la relaxe générale pour le crash du Mont Sainte-Odile (87 morts, neuf survivants en 1992) ou le non-lieu ordonné début septembre pour l'accident du vol AF447 Rio-Paris (228 morts en 2009).
Dans ces affaires, "on dit aux proches des victimes: +vous avez perdu les vôtres, mais personne n'est responsable, personne n'est coupable. C'est insupportable+", réagit-il.
M. Fouchard salue néanmoins "une deuxième victoire" après celle obtenue au civil en janvier: le tribunal de Paris a en effet condamné l'Etat à verser 10.000 euros de dommages et intérêts à l'association pour les délais déraisonnables de la justice dans cette affaire, a-t-il indiqué.
"J'espère que cette fois, ça ne durera pas aussi longtemps. J'ai 84 ans, ça fait 15 ans et demi que je me bats", a conclu celui qui a perdu 11 membres de sa famille dans l'accident.
Très engagées dans la procédure, les familles avaient elles-mêmes missionné des experts dont le rapport, publié en 2007, avait épinglé tous les acteurs, y compris la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), pour n'avoir pas interdit de vol la compagnie.
Selon un autre rapport en 2009, la formation du pilote n'aurait pas respecté les normes en vigueur et son "expérience précédente et sa courte formation en ligne ne permettaient pas un lâcher immédiat dans la fonction de commandant de bord", estimaient les quatre auteurs du document, dont un ingénieur en aéronautique. Les experts avaient aussi relevé la "fatigue" due au temps de service des deux pilotes lors des deux semaines précédant le crash.
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