La demande d'asile, qui augmente pour atteindre plus de 123.000 personnes en 2018 là où elle baisse globalement en Europe, ainsi que certaines prestations sociales comme l'Aide médicale d'Etat (AME), réservée aux sans-papiers, seront au coeur du débat qui doit se tenir la semaine prochaine à l'Assemblée nationale et au Sénat.
"Les associations de solidarité et les collectifs citoyens s'inquiètent de la multiplication des contre-vérités et postures démagogiques dans l'espace public, loin des réalités de terrain vécues par les personnes réfugiées ou exilées (...). Pour certains, la France serait +trop généreuse+ et +attractive+ dans ses procédures d'accueil: la réalité est pourtant tout autre", estime une vingtaine d'associations dans une lettre ouverte adressée mardi aux parlementaires.
La France connaît par exemple "une nette dégradation des conditions d'accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile du fait d'un sous-dimensionnement chronique du parc d'hébergement", expliquent les principales associations d'aide aux migrants.
L'une d'elles, la Fondation Armée du Salut, a également invité les parlementaires à se rendre sur des campements de migrants du nord-est parisien pour "constater la réalité du terrain avant le débat".
Loin de l'image du migrant auquel la France déroulerait un tapis rouge et qui vivrait confortablement des prestations sociales - véhiculée par certaines voix à droite et à l'extrême droite - les associations décrivent "la précarisation des étrangers", dont "15 à 20% des personnes présentes dans les campements parisiens sont des réfugiés statutaires".
"Entre l'AME, le regroupement familial, la générosité des prestations sociales... On voudrait nous faire croire que nous serions devenu le pays le plus attractif pour les migrants. Le problème, c'est que tout ceci est absolument inexact. Le débat repose sur une base objective qui est fausse", balaie François Héran lors d'une conférence de presse de l'Institut Convergences Migrations, qu'il dirige.
Everest contre Morvan
Certes, concède le titulaire de la chaire Migrations et société au Collège de France, la demande d'asile augmente. Certes, elle talonne désormais l'Allemagne, au deuxième rang européen. Mais la comparaison s'arrête là, explique celui qui a été auditionné mi-septembre par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée en vue du débat.
Car en valeur relative, rapportée à la population, "la France n'est pas deuxième en demande d'asile, elle est à peu près à la 11e place en Europe", insiste-t-il.
"On se rapproche de la moyenne, sans plus. Et si on rajoute les revenus par habitant, nous rétrogradons au 17e rang européen", poursuit François Héran.
Les courbes de croissance de l'asile en Allemagne (-50% entre 2017 et 2019) et en France (+25%) sont d'autant plus à relativiser, selon M. Héran, que la France a "réussi à passer au travers" de cette demande massive au plus fort de la crise migratoire des années 2015 et 2016.
"L'Allemagne descend de l'Everest. Et nous montons le Morvan", résume-t-il.
Autre thème du débat décortiqué par les chercheurs: l'"appel d'air" supposé suscité par les prestations sociales en France.
"Les soins sont l'une des dernières raisons" d'immigrer, estime durant la même conférence de presse Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Elle en veut pour preuve, par exemple, que "plus de 90% des VIH sont découverts en France" et non dans le pays d'origine.
De son côté, la CGT a lancé mardi un mouvement de grève pour des régularisations suivi par quelque 140 travailleurs sans-papiers. "Les restaurants, les sociétés de nettoyage, de bâtiment, ne fonctionneraient pas sans ces employés", juge Maryline Poulain, chargée des sans-papiers à la CGT.
Dans leur lettre ouverte, les associations demandent aux parlementaires "de s'emparer de ces réalités de terrain pour formuler des propositions qui garantissent le respect des droits fondamentaux".
"Cela suppose des mesures volontaristes de création de places d'hébergement (...) afin que personne ne soit contraint de vivre à la rue et que les pouvoirs publics" engagent "un programme de résorption des campements indignes qui font honte à la République".
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