Le géant américain du numérique a annoncé mercredi de nouvelles règles qui s'appliqueront fin octobre en France, en application d'une loi adoptée cet été qui transpose dans le droit français la directive européenne sur le droit d'auteur. La France est le premier pays de l'UE à appliquer cette directive, adoptée fin mars.
Cette loi instaure notamment un "droit voisin" au profit des éditeurs de presse (qui publient journaux et magazines) et agences de presse, dont l'AFP. Une mesure censée les aider à faire rémunérer la reprise de leurs contenus sur les plateformes en ligne et autres agrégateurs, pour compenser l'effondrement de leurs recettes publicitaires traditionnelles, tandis que les géants du Net, dont Facebook et Google, se taillent la part du lion des revenus publicitaires en ligne.
Cette directive avait fait l'objet d'une intense bataille de lobbying à Bruxelles, avec une mobilisation sans précédent des GAFA, qui avaient notamment argué qu'elle réduirait la liberté d'expression sur internet.
Les entreprises de médias, dont l'Agence France-Presse, y voyaient au contraire une nécessité pour continuer à produire une information de qualité.
Mais les règles présentées par Richard Gingras, vice-président de Google en charge de l'information, pour se conformer à la loi française, ont fait bondir les médias et le gouvernement.
Dans ce nouveau système, les éditeurs de presse basés en Europe devront désormais décider individuellement si, en France, des extraits de leurs infos (textes, vidéos...), ou "snippets", et autres images miniatures (appelées aussi vignettes ou "thumbnails") continueront d'apparaître à côté des liens renvoyant vers leurs sites. Et ce, tant dans les résultats du moteur de recherche que dans Google Actualités.
Pour les éditeurs qui accepteront, ces extraits s'afficheront sans qu'ils soient rémunérés.
"Coup de force"
En cas de refus, ces extraits et mini-images ne s'afficheront plus dans les résultats du moteur de recherche, qui n'incluront alors qu'un titre et un lien "sec" vers les infos des éditeurs. Mais les actualités de ces médias continueront tout de même à être référencées, assure Google, même si ces éditeurs de presse risquent de voir le trafic vers leurs sites diminuer voire s'effondrer.
Si Google n'a pas brandi l'arme d'une fermeture totale de Google Actualités (la version française de Google News), comme il l'avait fait en 2014 en Espagne, la pilule est difficile à avaler pour les éditeurs, qui voient ainsi se réduire les espoirs de retombées liées au droit voisin.
"Cette décision qui n'a donné lieu à aucun échange ni aucune concertation apparaît comme un véritable contournement de l'esprit de la loi française et plus largement de la directive européenne", a protesté l'Alliance de la presse d'information générale, principale organisation de la presse française. Elle voit dans cette démarche une nouvelle preuve de "la volonté de Google de ne pas respecter les règles et d'abuser de sa position dominante".
De son côté, Carlo Perrone, président de l'association des éditeurs européens de journaux (ENPA), a dénoncé "un coup de force" et un "diktat inacceptable" qui place "les médias devant un fait accompli: soit ils donnent au géant américain leur contenu gratuitement, soit ils seront fortement pénalisés par le moteur de recherche".
Le ministre de la Culture, Franck Riester, a également jugé la proposition de Google "inacceptable", et va chercher une solution avec ses homologues européens.
L'instauration d'un droit voisin doit "permettre un juste partage de la valeur produite, au bénéfice des plateformes, par les contenus de presse", déclare-t-il dans un communiqué.
A Bruxelles, la Commission européenne s'est dite "à la disposition du gouvernement français pour soutenir la transposition de la directive", rappelant que les Etats membres ont jusqu'au 7 juin 2021 pour l'appliquer dans leur droit national.
Google assure que ses nouvelles règles sont dans l'intérêt des internautes, empêchant que les résultats de recherche soient faussés par des considérations commerciales. "Nous n'avons jamais payé pour inclure des résultats dans les recherches et nous ne payons pas pour inclure des liens dans les résultats", car "cela saperait la confiance de nos utilisateurs", assure Richard Gingras.
En outre, Google met en avant son aide aux médias, tout d'abord par l'énorme trafic qu'il apporte à leurs sites, et par ses nombreuses formations, services et programmes de soutien à la presse, comme la Google News Initiative, un fonds d'aide à l'innovation.
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