Inès Madani avait déposé une rose sur le lit de ses parents et caché "un testament" dans leur chambre où elle leur disait qu'elle "les retrouverait au paradis" et les quittait pour mourir "en martyr".
Dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, avec sa co-accusée Ornella Gilligmann, cette jeune femme de 19 ans avait garé la Peugeot 607 de son père remplie de bonbonnes de gaz au milieu d'une rue devant des restaurants, où se trouvaient encore des dizaines de personnes. Elles avaient tenté de l'incendier. Seul un mauvais choix de carburant a permis d'éviter une explosion meurtrière.
Inès Madani avait été arrêtée quatre jours plus tard à Boussy-Saint-Antoine, dans l'Essonne. Elle est accusée d'avoir tenté de tuer un policier, ce qu'elle nie. "Je lui ai demandé de me tirer dessus", affirme-t-elle.
L'avocat général Jean-Michel Bourlès interroge la mère de l'accusée, Aïcha Madani, sur des écoutes réalisées les jours suivants: "Votre colère était énorme quand vous avez découvert ce que voulait faire votre fille. Cette colère est-elle toujours là?".
"Cette colère, j'essaie de l'apaiser. Je travaille avec un psychiatre depuis trois ans", explique cette femme élégante aux cheveux dissimulés sous un foulard clair. Sa voix est étranglée par l'émotion. Inès Madani pleure dans le box.
Comment en est-on arrivé là? Le président Laurent Raviot souligne "le très très jeune âge" d'Inès Madani au moment des faits. Elle a encore le visage poupin d'une adolescente, la voix peu assurée. Mais le magistrat rappelle aussi "sa détermination" et son influence sur des "soeurs" du jihad qu'elle a séduite en se faisant passer pour un jihadiste sur les réseaux sociaux.
"Comme une recluse"
"Il n'y a pas d'explication rationnelle", résume Patrick Madani, un chauffeur de bus de 52 ans. Son épouse, agent hospitalier de 49 ans, retient elle "une mauvaise rencontre à un mauvais moment, alors qu'Inès était en échec scolaire, avait dû renoncer à son projet de devenir pâtissière à cause de problèmes de santé (une hernie discale, NDLR), était en surpoids".
Mme Madani décrit, en larmes, "une relation très difficile", "un conflit permanent" avec sa fille. Elle présente ses excuses à sa fille: "Je n'ai pas été la mère que j'aurais dû être. (...) J'aurais dû essayer de comprendre son mal être plutôt qu'être son ennemie".
Mercredi matin, Inès Madani a confié à la cour son envie de mourir dès 2014. "Comment réagissez-vous ?", demande l'avocat général à son père. Long silence, puis très ému, il répond: "Je pense que tous les parents dont les enfants expriment ce souhait se torturent l'esprit pour savoir où ils ont merdé".
"On l'a vue sombrer", explique l'une de ses soeurs ainées.
Quand un reportage sur la Syrie passait à la télévision, Inès "arrêtait de manger, elle partait dans la chambre, je l'entendais pleurer", raconte sa mère. Puis elle a vécu "comme une recluse", "les volets clos dans sa chambre". "Elle était à la maison à 80% du temps, mais s'était retirée du cercle familial". Elle portait le voile intégral.
Elle s'est repliée sur les réseaux sociaux, en contact avec des jihadistes en Syrie. "La manipulation par quelqu'un à des milliers de kilomètres! Ça n'a pas de sens!", s'étonne encore le père. Début 2016, seule une interdiction de sortie du territoire l'a empêchée de se rendre en Syrie.
Son père, musulman pratiquant, a tenté de discuter avec elle de religion et même "du martyr en islam". Il a contacté une association spécialisée dans la déradicalisation, a mis en place un "flicage": "On a coupé internet, elle ne sortait jamais seule".
Il a même pensé à mettre "un mouchard" dans son sac. En août 2016, il l'a amenée en Corrèze, "en pleine nature", pour essayer de l'éloigner de la sphère jihadiste.
Quelques jours plus tard, Inès Madani garait la 607 près de Notre-Dame. Elle encourt la perpétuité.
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