L'ouverture des discussions sur ce vaste projet de loi bioéthique, considéré par la ministre de la Santé Agnès Buzyn comme "une chance" pour la société, a confirmé la cristallisation de l'attention sur l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA).
La procédure, qui permet d'avoir un enfant au moyen de différentes techniques médicales (insémination artificielle, fécondation in vitro...), était jusqu'alors réservée aux couples hétérosexuels. Cette PMA élargie aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires sera remboursée par la Sécu.
Dès mardi, des voix se sont élevées dans l'hémicycle, principalement à droite et à l'extrême droite, pour dénoncer une "PMA sans père" qui conduirait inéluctablement à la gestation par autrui (GPA), même si le gouvernement ne cesse de répéter que celle-ci reste "un interdit absolu en France".
Marine Le Pen (RN) a notamment dit son opposition à une PMA ouvrant "la boîte de Pandore", tandis que l'ex-LREM Agnès Thill s'est lancée dans une diatribe contre une "loi criminelle".
A l'inverse, cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron a été défendue dans la majorité comme "une avancée majeure", la gauche saluant une décision "nécessaire" (PCF), attendue "avec angoisse" (LFI).
La première grande réforme sociétale du quinquennat a aussi été défendue côté LREM comme un projet qui "correspond à la réalité" de la société française, alors que "beaucoup de femmes passent la frontière" pour concrétiser un projet parental.
La PMA est déjà autorisée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires dans dix pays de l'UE sur vingt-huit, dont l'Espagne, le Royaume-Uni ou la Belgique, d'autres l'autorisant partiellement.
La mesure d'extension de la PMA, dès le 1er article du projet de loi, fait l'objet à elle seule de quelque 600 des 2.500 amendements déposés au total sur le texte.
Les députés examineront d'emblée 24 amendements pour supprimer purement et simplement l'article clé. Ils émanent en premier lieu d'élus LR, mais aussi de députés UDI, du RN, ou des ex-LREM Agnès Thill et Joachim Son-Forget.
D'autres amendements en nombre, portés peu ou prou par les mêmes élus, entendent réécrire l'article pour en restreindre la portée.
- Gare à la fatigue -
Certains députés comptent notamment s'opposer à la PMA pour les femmes célibataires, arguant entre autres que les familles monoparentales sont plus précaires financièrement.
Des élus de la majorité tel le MoDem Cyrille Isaac-Sibille et une douzaine de "marcheurs" emmenés par Marie Tamarelle-Verhaeghe, comptent aussi s'opposer à cette ouverture au motif qu'un projet parental doit selon eux se construire entre deux personnes.
Le délicat sujet de la PMA post-mortem s'invitera aussi dans les débats mercredi ou jeudi. Même si les cas sont rarissimes, l'idée d'autoriser ou non la poursuite d'un projet parental avec les gamètes d'un conjoint décédé divise la plupart des groupes politiques.
La PMA post-mortem, repoussée de justesse en commission, a été rejetée à chaque révision des lois de bioéthique ces vingt dernières années, et le gouvernement y est opposé.
Ce point a suscité une foison d'amendements, y compris du co-rapporteur Jean-Louis Touraine (LREM) qui a dit mardi sa "confiance" dans la capacité qu'aura la mère d'effectuer "un choix responsable".
Parmi les autres sujets qui seront abordés dès l'article premier, à l'initiative notamment d'élus de la majorité, figurent aussi la question de l'ouverture de la PMA aux hommes transgenres, ou l'idée d'autoriser l'utilisation d'ovocytes d'un membre du couple par l'autre membre du couple.
Après le vote sur cet article clé, d'autres sujets hautement sensibles seront au menu d'ici le vote solennel le 15 octobre: réforme de la filiation et de l'accès aux origines des enfants nés par don, autoconservation des ovocytes...
Pour un ministre, l'objectif visant à faire avec ce texte de "l'anti-mariage pour tous" est pour l'heure "plutôt réussi". Mais avec trois semaines de débats en vue, "une soirée de fatigue" pourrait briser ce voeu, et relancer les échanges enflammés d'il y a six ans.
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