Cette Anglaise, mère de jumeaux, chérit ces épingles métalliques fabriquées à la main il y a des siècles. Elles lui offrent un voyage dans le temps et une plongée dans l'Histoire, dans les pas de ceux qui ont marché sur le même rivage de la Tamise avant elle.
Les "Mudlarks" (littéralement "les fouilleurs de boue") ont écumé les rives de Londres pendant des centaines d'années, à la recherche d'objets perdus ou abandonnés à vendre. La tradition perdure aujourd'hui grâce à un petit groupe de passionnés.
Depuis vingt ans, Lara Maiklem a collecté des poteries, une pièce en argent datant du roi Charles 1er, des peignes en ivoire et des pipes en terre du XVIIIe siècle.
Un livre d'Histoire géant
"Ce sont des petits clichés de la vie quotidienne à Londres que l'on extrait de la boue après chaque marée. C'est comme un livre d'Histoire géant", raconte-t-elle.
Beaucoup de rivières et de ruisseaux qui traversaient Londres se sont asséchés, mais la Tamise coule toujours majestueusement au coeur de la capitale. Les marées laissent derrière elles de multiples traces sur ses berges boueuses, attestant de siècles de vie, de labeur mais aussi de mort.
"C'est une chasse au trésor", observe Lara Maiklem, marchant la tête baissée, les yeux rivés sur le sol.
L'une de ses trouvailles les plus précieuses fut un aglet en or, cette petite gaine que l'on trouve à l'extrémité d'un lacet, de la période Tudor (1485-1603). Vu sa grande valeur, elle a été obligée légalement de le déclarer aux autorités.
La découverte la plus étrange ? Un fusil à canon scié qui contenait encore des balles. Elle a aussi exhumé des restes humains qui ont dû être signalés à la police.
Lara Maiklem dit ne jamais vendre ce qu'elle trouve: c'est "le contact avec l'Histoire" qu'elle adore.
Elle mentionne les célèbres pièces de six pence tordues que les couples qui ne pouvaient pas s'offrir des bagues jetaient dans le fleuve comme des gages d'amour aux XVIIe et XVIIIe siècles.
"Les personnes qui ont été oubliées par l'Histoire, qui n'ont rien laissé d'autre que ce qu'elles ont égaré en cours de route --, voilà tout ce qu'il reste d'elles".
Pièces de musée
Lara Maiklem vient d'écrire un livre sur sa passion, "Mudlarking" (non traduit), et chronique en ligne le suivi de ses trouvailles sur Facebook, Twitter et Instagram.
"Quand je ne sais pas ce qu'un objet est, je le poste et je suis toujours époustouflée par le savoir" des internautes, s'émerveille Lara Maiklem qui appartient à une communauté dynamique de "Mudlarks" sur les réseaux sociaux.
Les écumeurs collaborent aussi avec le Musée de Londres pour aider à identifier et préserver leurs découvertes. Certaines y sont actuellement exposées dans le cadre d'une exposition intitulée "Secret Rivers" (Les rivières secrètes).
"La Tamise est le plus vaste site archéologique de la ville, mais elle est aussi vulnérable et fragile, et les +Mudlarks+ font un excellent travail pour recenser et aider à sauvegarder les informations" qu'il abrite, se félicite une conservatrice, Kate Sumnall.
"Ca pue"
Pour écumer les rives de la Tamise, il faut d'abord obtenir une autorisation de l'Administration du port de Londres.
Si se promener au bord de l'eau apporte une paix que l'on trouve rarement en ville, chiner sur les berges n'est pas forcément une partie de plaisir.
Certes, la Tamise est bien plus propre que par le passé mais le réseau d'égoûts de Londres, qui remonte au XIXe siècle, déborde souvent dans les eaux de la rivière.
Il faut aussi faire attention, avertit le port de Londres, à la présence d'aiguilles hypodermiques et de bouts de verre.
Il suffit d'ailleurs "de fortes pluies" pour que "le rivage soit répugnant", témoigne Lara Maiklem qui préfère se munir de gants en plastique.
"C'est recouvert de choses innommables et ça pue", avoue-t-elle.
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