L'ancien président du conseil d'administration de Tokyo Electric Power (Tepco) au moment du drame, Tsunehisa Katsumata (79 ans), ainsi que deux anciens vice-PDG, Sakae Muto (69 ans) et Ichiro Takekuro (73 ans), ont plaidé non coupables devant le tribunal de Tokyo.
Ces trois anciens responsables de l'opérateur de la centrale nucléaire Fukushima Daiichi, dévastée par le tsunami du 11 mars 2011, sont les seules personnes physiques à être jugées dans le cadre de cette catastrophe, le pire accident nucléaire après Tchernobyl (Ukraine) en 1986.
Ce 19 septembre 2019 "pourrait devenir un jour historique dans les efforts des victimes du désastre pour obtenir justice", a commenté Shaun Brunie, spécialiste de l'énergie nucléaire au sein de l'organisation écologiste Greenpeace.
L'accident de Fukushima a été qualifié de "désastre créé par l'homme" par une commission d'enquête japonaise, car l'humain n'a pas su le prévenir ni le maîtriser.
Les poursuites engagées contre les ex-dirigeants s'appuient sur le décès de 44 patients de l'hôpital de Futaba, à quelques kilomètres de la centrale, lors de leur évacuation d'urgence dans des conditions extrêmes, avec un bus qui a tourné en rond pendant plusieurs heures. Pour ces personnes âgées, l'épreuve s'est avérée insurmontable.
Les procureurs avaient refusé à deux reprises d'engager des poursuites contre les dirigeants de Tepco, arguant que les éléments du dossier étaient insuffisants. Mais un réexamen de l'affaire en 2015 par un panel de citoyens (une procédure peu utilisée au Japon) a tranché pour un procès au pénal.
Les trois accusés se voient reprocher par les plaignants d'avoir péché par inaction, alors qu'ils avaient connaissance du risque d'un tsunami majeur aux abords de la centrale construite en bord de mer, à quelque 220 kilomètres au nord-est de Tokyo.
Séisme de magnitude 9
Bien avant le drame, ces dirigeants ont eu en leur possession des données indiquant que la centrale nucléaire était située dans une zone avec une probabilité de raz-de-marée dépassant 15 mètres, une hauteur pour laquelle le site n'était pas conçu.
"Ils auraient dû suspendre l'activité de la centrale nucléaire" jusqu'à la mise en place de mesures anti-tsunami, dont la construction d'une digue, ont estimé les procureurs au tribunal de Tokyo, selon les comptes rendus d'audiences publiés par les médias.
M. Katsumata a déclaré durant le procès qu'il n'était pas impliqué au quotidien dans les décisions concernant la sûreté et se reposait sur le travail de ses subordonnés chargés de ces questions.
Tepco n'a pas engagé de travaux pour protéger le site avant que ne survienne au large un puissant séisme de magnitude 9, responsable du gigantesque raz-de-marée qui allait noyer les groupes électrogènes de la centrale, stopper le refroidissement du combustible et provoquer sa fusion.
Si le tsunami a causé la mort de 18.500 personnes dans le nord-est du Japon, l'accident nucléaire de Fukushima en lui-même n'a fait aucune victime sur le coup.
Cependant, il est indirectement responsable de plusieurs milliers de "décès liés", reconnus par les autorités comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des personnes évacuées.
La catastrophe a forcé des dizaines de milliers d'habitants à abandonner leurs maisons proches de la centrale. Un grand nombre d'entre eux sont encore installés dans d'autres régions du pays, ne pouvant pas ou préférant ne pas rentrer chez eux, par peur des radiations.
Si c'est la première fois que des individus sont jugés au pénal dans cette affaire, l'Etat japonais et Tepco ont déjà été sanctionnés par la justice à diverses reprises, à la suite de nombreuses plaintes en nom collectif.
En septembre 2017 notamment, Tepco avait été jugé responsable de l'accident nucléaire et condamné à une amende symbolique par un tribunal local.
Six mois plus tôt, une autre instance avait condamné à la fois Tepco et l'Etat japonais pour négligence dans cette affaire, mais là aussi l'amende avait été symbolique.
Par ailleurs, Tepco indemnise les victimes du drame depuis des années, en recevant l'argent d'un fonds créé spécialement et alimenté par l'Etat et l'ensemble des compagnies d'électricité.
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