A 15 jours d'un débat, appelé à devenir annuel, sur l'immigration au Parlement, le chef de l'Etat a fixé lundi soir le cap à la majorité et au gouvernement: "Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder ce sujet en face".
Emmanuel Macron impose l'immigration à l'ordre du jour de la rentrée, pourtant déjà embouteillée par d'autres dossiers délicats pour l'exécutif, comme la réforme des retraites ou la PMA.
Mais à ses yeux, les sujets régaliens, sécurité et immigration en tête, sont devenus centraux dans la deuxième partie du quinquennat, qui sera rythmée par les municipales de mars 2020 et la préparation de la présidentielle.
Pour le président, l'une des priorités est de renouer avec les classes populaires après la crise des "gilets jaunes" qui a ébranlé le pouvoir. Il a demandé à son camp de "savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas". En expliquant que les bourgeois n'avaient "pas de problème" avec l'immigration car "ils ne la croisent pas" alors que "les classes populaires vivent avec".
"La gauche n'a pas voulu regarder ce problème pendant des décennies. Les classes populaires ont donc migré vers l'extrême droite. On est comme les trois petits singes: on ne veut pas regarder", a-t-il relevé.
L'immigration avait été l'un des premiers sujets à faire l'objet d'une loi, votée en septembre 2018. Le texte, jugé trop timide à droite, avait pourtant fait tanguer la majorité qui est traversée de sensibilités différentes.
"C'est bien de traiter le sujet. Il est difficile d'en faire totalement abstraction pendant cinq ans", souligne une source ministérielle, qui voit dans le débat à venir "une opportunité d'objectiver un certain nombre de choses".
"Richesse"
Mais, la même source regrette que dans la présentation du sujet, "on n'appréhende pas l'immigration comme une richesse", relevant une différence d'approche au sein du gouvernement entre les tenants de l'aile droite (Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu...) et ceux issus de la gauche.
Dans une tribune publiée mardi, 15 députés de l'aile gauche de LREM appellent aussi à "éviter une hystérisation inversement proportionnelle à la réalité migratoire" et invitent à "parler intégration". Le député LREM Aurélien Taché organisera, lui, lundi prochain un "événement" sur le thème de l'accueil et l'intégration, en présence de Carola Rackete, la capitaine du navire humanitaire SeaWatch.
Et le parti doit aussi se saisir de la question lors d'un bureau exécutif spécial le 30 septembre, jour du débat au Parlement.
De son côté, en prévision de ce débat, Matignon prépare un "document de synthèse" sur la politique migratoire de la France, un texte qui compilera des données demandées aux ministères de l'Intérieur, de la Santé et des Affaires étrangères et européennes.
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, n'en a pas moins affirmé mardi qu'elle ne "croyait pas" au durcissement de ton d'Emmanuel Macron, n'y voyant qu'une attitude "électoraliste."
Symétriquement, le porte-parole des députés PS, Boris Vallaud, accuse le chef de l'Etat de ne "regarder le +problème+ de l'immigration qu'en regardant à l'extrême droite".
L'immigration continue de susciter la méfiance: selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié lundi, 64% des Français ont l'impression "qu'on ne se sent plus chez soi comme avant" en France.
Emmanuel Macron entend agir essentiellement sur le droit d'asile, un principe qu'il a réaffirmé mais qu'il estime "détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent". La France a enregistré une hausse de 23% des dossiers l'an dernier, avec notamment une demande albanaise et géorgienne que les pouvoirs publics estiment largement non fondée.
Les débats au parlement porteront aussi sur l'Aide médicale d'État (AME) afin "d'en maîtriser les coûts et de s'assurer qu'elle va bien aux personnes en détresse", selon le porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière et résidant en France depuis plus de trois mois de bénéficier de l'accès aux soins.
bur-jri-cg-jmt/ib/phc
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