A 15 jours d'un débat sur l'immigration au Parlement, le chef de l'Etat a fixé lundi soir le cap à la majorité et au gouvernement: "Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder ce sujet en face".
Emmanuel Macron impose ainsi l'immigration à l'ordre du jour de la rentrée, pourtant déjà embouteillé par d'autres dossiers délicats à gérer pour l'exécutif comme la réforme des retraites ou la PMA.
Mais, pour lui, les sujets régaliens, sécurité et immigration en tête, sont devenus centraux de la deuxième partie du quinquennat, qui sera rythmée par les municipales de 2020 et la préparation de la présidentielle.
Dans cette optique, l'une des priorités est de renouer avec les classes populaires après la crise des gilets jaunes qui a ébranlé le pouvoir. "Plusieurs catégories de la population restent nerveuses", a-t-il mis en garde lundi devant quelque 200 parlementaires de la majorité.
Il les a placés devant l'alternative de "savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas". En expliquant que les bourgeois n'avaient "pas de problème" avec l'immigration car "ils ne la croisent pas" alors que "les classes populaires vivent avec".
"La gauche n'a pas voulu regarder ce problème pendant des décennies. Les classes populaires ont donc migré vers l'extrême droite. On est comme les trois petits singes: on ne veut pas regarder", a-t-il ajouté.
Lors de la campagne de 2017, Emmanuel Macron avait déjà affirmé à l'AFP vouloir s'attaquer à "l'insécurité culturelle" ressentie selon lui par les classes moyennes "tentées par le Front national".
L'immigration avait ensuite été l'un des premiers sujets à faire l'objet d'un texte de loi, voté en septembre 2018. Le texte, jugé trop timide à droite, avait pourtant fait tanguer la majorité.
"Tabou"
"Il ne faut pas faire de ce thème un tabou", fait aujourd'hui valoir un cadre du parti, qui devrait réunir son bureau exécutif spécial sur le sujet le 30 septembre. Le même jour que le débat au Parlement, appelé à devenir annuel. Et une semaine après l'organisation à l'Assemblée, par le député Aurélien Taché, classé à la gauche de LREM, d'un "événement" sur le thème de l'accueil et l'intégration, en présence de Carola Rackete, la capitaine du navire humanitaire SeaWatch.
La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a réaffirmé la semaine dernière que la politique migratoire de la France continuerait à reposer sur "deux piliers": humanité pour les demandeurs d'asile, fermeté pour reconduire les autres. Mais en prévision de possibles vagues d'arrivées, elle avait estimé que "nous devons armer notre pays et nous apprêter à affronter ces moments de déstabilisation migratoire".
L'immigration continue de susciter la méfiance: selon un sondage Ipsos-Sopra Steria publié lundi, 64% des Français ont l'impression "qu'on ne se sent plus chez soi comme avant" en France. L'immigration est même le thème prioritaire pour 56% des sympathisants Les Républicains.
Emmanuel Macron entend agir essentiellement sur le droit d'asile, un principe qu'il a réaffirmé mais dont il veut réduire les abus. Car "il est détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent". La France a enregistré une hausse de 23% des dossiers l'an dernier, avec notamment une demande albanaise et géorgienne que les pouvoirs publics estiment largement non fondée.
La dynamique, à contre courant de la baisse enregistrée ailleurs en Europe, est aussi alimentée par les déboutés, notamment afghans, venus d'autres pays plus chiches dans l'octroi de l'asile.
Les débats au parlement porteront aussi sur l'Aide médicale d'État (AME) afin "d'en maîtriser les coûts et de s'assurer qu'elle va bien aux personnes en détresse", selon Sibeth Ndiaye.
L'AME, qui représente un budget en hausse de quelque 943 millions d'euros et concerne plus de 300.000 personnes, permet aux étrangers en situation irrégulière et résidant en France depuis plus de trois mois de bénéficier de l'accès aux soins.
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Immigration: il faut regarder le sujet "en face" affirme Macron
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