Le jugement a été mis en délibéré au 22 octobre.
"Cet établissement n'est qu'une somme de manquements en matière de sécurité (...) Ce qui est survenu le 6 août était inévitable", a asséné le procureur Pascal Prache devant le tribunal correctionnel de Rouen en requérant aussi une interdiction définitive d'exercer une activité en lien avec l'infraction à l'encontre des deux frères.
Parlant d'un "drame épouvantable", le procureur a relevé "10 manquements à la sécurité" et évoqué "l'association de deux co-gérants qui ont essayé de se faufiler entre les dispositions réglementaires selon le principe du +pas vu, pas pris+".
Âgés de 48 et 40 ans, Nacer et Amirouche Boutrif, qui comparaissent libres, sont jugés pour "avoir involontairement causé la mort" de 14 personnes et en avoir involontairement blessé cinq autres grièvement, dans l'incendie de leur établissement dans la nuit du 5 au 6 août 2016.
Ils sont poursuivis pour de nombreux manquements à la sécurité, notamment pour avoir laissée verrouillée l'unique porte de secours du sous-sol, sous-sol dont les plafonds étaient recouverts de plaques de mousse en polyuréthane insonorisante, matière extrêmement inflammable.
Les victimes fêtaient les 20 ans d'Ophélie dans le sous-sol de 24,4 m2 de ce bar aménagé sans autorisation en boîte de nuit, lorsque deux bougies du gâteau d'anniversaire, des fontaines à étincelles, ont enflammé le plafond de l'escalier. La plupart des victimes avaient entre 18 et 25 ans.
"les policiers savaient"
Les avocats de la défense ont essayé d'élargir le champs des responsabilités, notamment à la police, au courant selon eux de l'existence de ce sous-sol, mais aussi de la mairie, accusée de n'avoir effectué aucun contrôle de sécurité.
Me Akli Aït Taleb, l'avocat de Nacer Boutrif, a ainsi déclaré: "Dès 2014, les policiers savaient ce qu'il se passait dans les sous-sol du Cuba Libre". "Le maire doit veiller au contrôle des établissements recevant du public", a-t-il poursuivi. Et de souligner que l'établissement n'avait "jamais fait l'objet d'un quelconque contrôle de la police municipale".
"Des fautes inacceptables ont été commises par mon client. D'autres, tout aussi graves et inacceptables, ont été commises par d'autres autorités. Votre décision doit être un message très fort pour les élus locaux", a insisté Me Aït Taleb.
Antoine Vey, avocat d'Amirouche Boutrif, a demandé aux magistrats de juger les deux frères "avec discernement", reconnaissant qu'il y a eu "des erreurs commises tant par l'un que par l'autre".
Mais Me Vey a rappelé que la police était au courant de la situation: les gérants "n'ont pas véritablement dissimulé. La police écrit noir sur blanc que ce sous-sol est exploité et qu'on y fait la fête. D'autres manquements ont été commis à d'autres échelles. Dans la jurisprudence, très peu de personnes ont été condamnées à de la prison ferme pour des délits non-intentionnels", a-t-il rappelé.
Me Aït Taleb avait rappelé aussi le caractère non intentionnel du drame. "Mon client s'endort et se réveille avec la mort de 14 personnes sur la conscience, et ce sera comme ça jusqu'à sa mort", a-t-il dit. "Il s'agit d'une infraction non-intentionnelle, mon client n'a pas de casier judiciaire. Un enfermement effectif ne me semble pas être une solution qui pourrait contribuer à une sanction juste", a-t-il souligné.
Le procès avait débuté le 9 septembre. L'un des temps forts des audiences a été le témoignage, mercredi dernier, de trois jeunes survivants de l'incendie qui ont raconté l'horreur vécue dans ce qui est apparu comme une souricière et les cauchemars qui les poursuivent depuis lors.
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