Malgré l'opposition de la rue, qui ne voit dans la tenue d'une présidentielle qu'un moyen pour le "système" de se maintenir au pouvoir par la fraude, l'armée, qui a pris de facto les rênes du pays, semble bien décidée à accélérer le processus.
Le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati a présenté mercredi deux projets de loi qui ont été adoptés en l'espace de seulement deux jours par les deux chambres: jeudi par l'Assemblée populaire nationale (APN), où des partis d'opposition ont boycotté la séance, et vendredi matin par le Sénat.
Premier texte en question: la création d'une autorité "indépendante" chargée des élections qui doit recevoir "toutes les prérogatives des autorités publiques --à savoir administratives en matière électorale".
Cette instance aura pour mission d'organiser, surveiller le processus électoral et "superviser toutes ses étapes, depuis la convocation du corps électoral jusqu'à l'annonce des résultats préliminaires", selon M. Zeghmati.
Deuxième texte: une révision de la loi électorale, censée garantir "la transparence, la régularité et la neutralité" des élections.
Ces deux projets de loi avaient été proposés par une "instance de dialogue", chargée par le pouvoir de sortir le pays de la crise après la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika, après 20 ans à la tête de l'Algérie, sous la pression conjuguée de la rue et de l'armée.
"Il a fait un sondage ?"
L'adoption à la va-vite de ces deux projets survient alors que le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, véritable homme fort du pays, ne cesse de plaider pour la tenue rapide d'une présidentielle.
Il a réclamé que le décret de convocation de la présidentielle soit publié dimanche. Une convocation à cette date du corps électoral fixerait, compte tenu des délais légaux de 90 jours, à la mi-décembre la date de l'élection.
Mais le mouvement de contestation réclame le démantèlement de l'appareil hérité des 20 ans de présidence Bouteflika avant tout scrutin, ainsi que la mise en place d'institutions de transition, ce que refuse le pouvoir.
Malgré des pluies diluviennes tombées la veille, notamment à Alger où de nombreux quartiers ont été inondés, les manifestants étaient vendredi au rendez-vous.
Un imposant cortège s'étirait dans plusieurs rues autour de la Grande Poste, point de ralliement des manifestations hebdomadaires.
Faute de chiffre officiel, la foule qui prend chaque semaine depuis le 22 février part au "Hirak", le mouvement inédit de contestation du régime, est difficile à mesurer précisément.
"Comment Gaïd Salah peut-il être certain de la tenue de la présidentielle? Est-ce qu'il a fait un sondage ou un référendum ?", s'interroge Hind Benahmed, une enseignante retraitée.
Le général Ahmed Gaïd Salah s'est récemment dit certain que l'élection se tiendrait rapidement. La présidentielle initialement prévue le 4 juillet avait dû être annulée, aucun candidat ne s'étant déclaré, face à l'ampleur de la contestation.
"Qui va oser se porter candidat alors que le peuple refuse des élections dans ces conditions?", se demande Mouloud Benhassaim.
"Mascarade"
Fettouma, une enseignante de 49 ans, rappelle plusieurs revendications des manifestants dont le départ du gouvernement, "spécialiste de la fraude", et la libération des détenus d'opinion.
"Les généraux à la poubelle" ou "Pas d'élections avec le gang", entendait-on aussi dans la foule, en référence aux proches de M. Bouteflika qui sont toujours au pouvoir.
Cette mobilisation intervient au surlendemain de l'arrestation de Karim Tabbou, figure du mouvement de contestation inculpé d'"atteinte au moral de l'armée". "Libérez Karim Tabbou", ont scandé les manifestants.
Dans la matinée, plusieurs manifestants ont été interpellés avant le départ du cortège, selon une journaliste de l'AFP.
"Les proches de Bouteflika sont toujours au pouvoir et une élection dans ces conditions c'est tout simplement une mascarade", fulmine Lyes Mesbah, 48 ans, ingénieur.
Selon des journalistes locaux et des sites d'information, la mobilisation a aussi été importante dans de nombreuses villes du pays dont les plus importantes: Constantine (nord-est), Oran (nord-ouest) et Annaba (nord-est).
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