Le publicitaire controversé Nabil Karoui, emprisonné depuis le 23 août pour blanchiment d'argent, passera la journée électorale derrière les barreaux de sa prison de la Monarguia, près de Tunis: la cour de Cassation, se déclarant incompétente, a refusé le recours introduit contre son mandat de dépôt, a annoncé son parti Qalb Tounes (Au coeur de la Tunisie).
Si la décision ne constitue pas une surprise, elle pourrait galvaniser les partisans de l'homme d'affaires de 56 ans, qui accuse le pouvoir d'avoir instrumentalisé la justice pour l'écarter de la course et qui s'est qualifié de "prisonnier politique" dans des entretiens à la presse.
M. Karoui, accusé d'être un populiste ou un escroc par ses détracteurs, s'est construit une forte notoriété ces dernières années en organisant des distributions d'aide dans les régions défavorisées tunisiennes, opérations relayées par la chaîne de télévision Nessma, dont il est le fondateur et qui mène campagne tambour battant pour lui.
Derniers meetings
Les autres candidats jetaient vendredi leurs dernières forces dans la bataille, avant une journée de silence électoral samedi.
La célèbre avenue Bourguiba, "les Champs-Elysées de Tunis", doit notamment accueillir trois rendez-vous concurrents: un meeting d'Abdelfattah Mourou, le candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahdha; un autre organisé par l'équipe de M. Karoui (qui depuis son incarcération mène campagne par le biais de sa famille); et un rassemblement autour du candidat de la gauche radicale Hamma Hammami.
Le Premier ministre Youssef Chahed effectue quant à lui une dernière tournée dans des quartiers de la capitale, tandis que d'autres candidats feront d'ultimes déplacements en région.
Signe de la nervosité et de la fatigue de fin de campagne, le candidat Moncef Marzouki, qui fut le premier président de la Tunisie post-révolutionnaire, a jeté son micro vendredi à la figure d'un journaliste de la chaîne Euronews, selon une vidéo relayée par la presse locale.
Incertitude
Rarement l'issue d'une élection n'aura été aussi incertaine que pour celle de dimanche, en raison du nombre pléthorique de candidats, de l'éclatement des familles politiques comptant plusieurs postulants rivaux et de la difficulté d'identifier des lignes de partage marquées.
Provocant, le Premier ministre libéral Youssef Chahed a lancé jeudi sur la radio Mosaïque que seuls trois partis --le sien, celui de Nabil Karoui et Ennahdha-- comptaient. "Tout le reste n'existe pas sur le terrain", a-t-il lancé.
Pourtant, d'autres candidats peuvent figurer dans le peloton de tête, comme l'avocate anti-islamiste Abir Moussi, le ministre centriste de la Défense Abdelkarim Zbidi, ou encore l'indépendant conservateur au visage impassible Kaïs Saïed, qui a multiplié les déplacements.
"Cette élection est vraiment celle de l'incertitude", résume le politologue Hatem Mrad.
Et il n'est pas sûr que la campagne ait répondu aux préoccupations majeures des Tunisiens: la crise sociale et économique et la cherté de la vie, entre autres, dans un pays où le chômage est de 15% et où l'inflation frôle les 7%.
La lutte antiterroriste, thème longtemps omniprésent dans une Tunisie traumatisée par les attentats de 2015-2016, n'est plus au coeur des débats.
Pour ajouter à la complexité de la scène politique tunisienne, et au risque de semer davantage la confusion chez les électeurs, une campagne se termine et une autre commence.
En effet, celle des législatives du 6 octobre débute vendredi à minuit. Ce qui fait que, même si samedi est une journée de "silence électoral" pour l'élection présidentielle, la politique continuera.
Le calendrier initial prévoyait la présidentielle en décembre, après les législatives, mais la mort du président Béji Caïd Essebsi en juillet a bouleversé les échéances, et les Tunisiens voteront donc pour élire leurs députés entre les deux tours de la présidentielle.
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