Le quatrième personnage de l'Etat a aussitôt annoncé, dans un communiqué transmis à l'AFP, être "déterminé à poursuivre (sa) mission" à la tête de l'Assemblée.
Ce coup dur pour la majorité intervient alors que, hasard du calendrier, deux autres poids lourds, François Bayrou et Marielle de Sarnez, ont été entendus le même jour par la police judiciaire dans le cadre de l'affaire des emplois présumés fictifs des assistants d'europarlementaires MoDem.
A l'issue d'un "interrogatoire de première comparution" de près de 15 heures au tribunal de grande instance de Lille, où l'affaire a été dépaysée il y a un an, "les trois juges d'instruction saisis du dossier ont décidé de mettre en examen Richard Ferrand pour prise illégale d'intérêts", a indiqué dans la nuit à l'AFP le parquet de Lille.
M. Ferrand a dans la foulée pris "acte de cette mesure procédurale qui va lui permettre de pouvoir se défendre dans ce dossier" et a assuré "rester serein sur l'issue de la procédure, au regard du classement sans suite de l'ensemble des griefs de la première plainte" en octobre 2017, "d'autant plus qu'aucun élément nouveau n'a été versé à ce dossier dans lequel il n'y a ni préjudice ni victime".
Attendue depuis des mois, l'audition libre du président de l'Assemblée nationale - que l'immunité parlementaire n'empêche pas - a débuté en milieu de matinée pour s'achever vers 00H30.
L'affaire des Mutuelles de Bretagne avait conduit ce fidèle de la première heure d'Emmanuel Macron à quitter le gouvernement en juin 2017. A peine nommé ministre de la Cohésion des territoires, il avait été épinglé par Le Canard enchaîné qui avait révélé qu'en 2011 les Mutuelles de Bretagne, qu'il dirigeait alors, avaient décidé de louer des locaux commerciaux appartenant à sa compagne. M. Ferrand conteste toute irrégularité.
Le procureur de Brest avait ouvert une enquête préliminaire en juin 2017, classée sans suite en octobre. Il avait invoqué la prescription s'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts et jugé que les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie n'étaient "pas constituées".
L'association anti-corruption Anticor avait alors déposé une seconde plainte avec constitution de partie civile.
Après avoir présidé le groupe des députés LREM, Richard Ferrand a pris la succession de François de Rugy à la présidence de l'Assemblée en septembre 2018.
Dès son élection au perchoir, il avait déjà averti à demi-mot qu'il ne démissionnerait pas en cas de mise en examen.
"Toujours présumé innocent"
"Le Parlement a son indépendance. Par conséquent, les parlementaires n'ont pas à être dans la main de l'autorité judiciaire", avait-il déclaré en soulignant qu'un "certain nombre de parlementaires mis en examen" continuaient à "exercer leur mandat".
Interrogée mercredi midi à l'issue du Conseil des ministres sur l'audition alors en cours, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a refusé tout "commentaire avant d'avoir connaissance de l'objet de cette convocation".
"Ce rendez-vous aurait dû avoir lieu il y a un an mais M. Ferrand avait réussi à gagner un peu de temps en faisant dépayser son dossier à Lille. On souhaite désormais qu'il s'explique sur les faits qui lui sont reprochés et qui ne sont pas prescrits", a déclaré pour sa part à l'AFP le président d'Anticor, Jean-Christophe Picard.
Dès l'annonce de l'audition de M. Ferrand, plusieurs députés de la majorité lui ont apporté leur soutien et tenté par avance de minimiser la portée d'une éventuelle mise en examen.
Ainsi, Bruno Bonnell (LREM) a déclaré "ne pas douter de son honnêteté" et, selon lui, "la vérité sortira sereinement". "Évidemment, il peut rester à son poste", a-t-il assuré.
Une mise en examen n'aurait "aucune incidence", avait renchéri auprès de l'AFP Alain Tourret (LREM), avocat de profession.
La mise en examen d'un président de l'Assemblée nationale pendant son passage au perchoir est inédite. Laurent Fabius était déjà mis en examen dans l'affaire du sang contaminé au moment où il est redevenu président de l'Assemblée en 1997.
Richard Ferrand "est présumé innocent" et "quand bien même il serait" mis en examen, "il serait toujours présumé innocent", a réagi pour sa part Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national sur BFMTV.
bur-reb-jpa-frd/am
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