Le banquier a finalement "abandonné sa voiture" et opté pour l'une des nombreuses applications de téléphonie qui ont vu le jour ces derniers mois: ORide, Gokada ou encore MaxOkada proposent un service de taxis-motos en ligne, sur le modèle d'Uber, avec prix encadrés, chauffeurs qualifiés et casque obligatoire.
Un geste sur son smartphone, et votre conducteur de moto vous attendra en bas de chez vous, prêt à remonter les files interminables de voitures immobiles qui rôtissent sous le soleil de Lagos.
Rien de nouveau sous les tropiques, direz-vous? Demandez donc aux 20 millions d'habitants de Lagos.
Certes ces applications ne proposent pas encore la téléportation et existent dans de nombreuses mégalopoles à travers le monde.
Mais elles sont une petite révolution dans une ville où les bouchons, communément appelés "go-slows" (va-doucement), empoisonnent la vie et l'économie de tous et où, jusqu'à présent, le taxi-moto était davantage considéré par la classe moyenne comme une tentative de suicide plutôt qu'un moyen de transport.
Les créateurs de Gokada (Okada signifie taxi-moto en créole nigérian) sont les premiers à avoir flairé la bonne affaire dans ce pays de 190 millions d'habitants et ont lancé le mouvement début 2018.
Ils ont rapidement été suivis par d'autres opérateurs tels que Maxokada et ORide, qui rivalisent en promettant de meilleures technologies, des prix toujours plus bas et des chauffeurs mieux formés.
"Un marché ouvert"
Car le plus grand défi de ces applications est avant tout de changer l'image des "okadas". Leurs chauffeurs sont habituellement craints pour leur propension à zigzaguer dangereusement entre les voitures, à prendre les routes à contre-sens, rouler sur les trottoirs ou brûler les feux rouges.
Ils sont aussi régulièrement accusés d'utiliser leurs motos pour commettre des vols ou des crimes plus graves.
Ce sont en tout cas les raisons qu'ont avancées les autorités en 2012 pour interdire les 100 cm3 sur 475 voies de l'agglomération. Cette année, quelque 3.000 motos ont été verbalisées pour n'avoir pas respecté ces restrictions.
Les chauffeurs de taxis-motos contactés via des applications "smart-phones", qui se distinguent par leurs casques et dossards aux couleurs flashy de leur entreprises, conduisent, eux, des motos plus puissantes autorisées de fait à circuler sur toutes les routes. La course coûte enre 50 nairas (12 centimes d'euro) et quelques centaines de nairas, selon la distance.
Lancé par la société panafricaine de paiement Mobile OPay, le service ORide, petit dernier arrivé en mai sur le marché, a déjà formé plus de 3.000 chauffeurs, qui travaillent à Lagos et dans six autres villes du pays. L
a filière nigériane d'Opay, l'une des startups qui montent au Nigeria, espère développer ses activités grâce à une levée de fonds record de 50 millions de dollars en juillet dernier.
"C'est un marché ouvert dans lequel tout le monde a quelque chose à offrir. Il y a tellement d'opportunités au Nigeria", explique à l'AFP Iniabasi Akpan, responsable d'OPay dans ce pays.
La différence majeure avec les autres applications est que les clients d'ORide paient avec leur compte OPay et bénéficient d'une assurance tout risque. Les conducteurs cotisent également à une assurance, extrêmement rare pour ces emplois habituellement informels, et peuvent devenir propriétaires de leur moto grâce à un prêt sur 18 mois.
Secteur informel
Gokada, un autre concurrent, a lui annoncé fin mai un nouveau financement de plus de 5 millions de dollars pour développer d'autres modes de transports urbains et veut lancer son application dans d'autres pays que le Nigeria.
Mais "formaliser" ce secteur qui n'a prospéré que sur l'informel et la débrouille depuis que les moteurs existent n'est pas chose facile.
De nombreux utilisateurs se plaignent régulièrement que leur conducteur empruntent des itinéraires plus longs pour augmenter les tarifs des courses.
Après avoir testé personnellement ses chauffeurs, Fahim Saleh, le directeur de Gokada, a décidé de suspendre l'application pendant quinze jours, de renforcer la formation des conducteurs et de les obliger à utiliser leur GPS.
ORide a développé une unité de surveillance pour suivre ses conducteurs.
Mais pour Johnson Onipede, chauffeur de taxi-moto reconverti en conducteur ORide, le vrai problème est ailleurs: ce sont les "Agberos" (membres de gangs) ou les "Area Boys", ces groupes qui terrorisent les quartiers en réclamant des droits de passage sur ce qu'ils considèrent être leur territoire, qui "rendent la vie des chauffeurs insupportable".
Mais, pour l'instant, personne n'a développé d'application pour venir à bout de cet autre fléau de la vie des Lagossiens.
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