Le montant atteint lors de cette vente aux enchères en ligne avait pulvérisé son précédent record, les 400.000 euros encaissés pour la vente de "Nadine", déjà à un riche collectionneur chinois.
En recevant des journalistes de l'AFP dans les pigeonniers bordant le jardin de sa maison, à Ingelmunster près de Courtrai (ouest de la Belgique), Joël Verschoot se remémore cette folle séquence dont la conclusion a été ponctuée d'un adjectif qu'il a "mille fois répété": "Incroyable !".
Dans la phase finale, raconte-t-il, deux Chinois étaient au coude au coude, et renchérissaient "par tranche de 100.000 euros", avant que l'un d'eux laisse filer.
"On n'avait jamais pensé que ça puisse monter comme ça", dit aujourd'hui le retraité de 64 ans, tombé tout jeune dans la colombophilie avec un père qui lui-même entraînait des pigeons pour les concours du weekend.
Mais l'aïeul Verschoot en avait 50, là où Joël, seul des neuf enfants à avoir repris le flambeau (et qui compte le transmettre à son fils Dieter), en recense aujourd'hui 300.
La Chine, premier client
Depuis sa retraite en 2015, cet ancien employé d'abattoir, qui a commencé à travailler à 14 ans, a transformé son hobby favori en activité à plein temps. Il assure consacrer 10 heures par jour au soin et à l'entraînement de ses oiseaux.
Sa fibre commerciale s'est développée avec l'intérêt croissant des investisseurs asiatiques pour les volatiles belges, réputés parmi les mieux dressés au monde.
Aujourd'hui, les Chinois sont les premiers clients du site belge d'enchères Pipa (Pigeon Paradise), assurant "40% du chiffre d'affaires", selon son PDG Nikolaas Gyselbrecht.
Joël Verschoot explique qu'il a bâti sa notoriété internationale sur les résultats obtenus aux concours sur "moyenne distance" (500 à 700 km), sa spécialité, celle qui permet au pigeon mâle ou femelle s'envolant au petit matin d'être revenu le soir même pour retrouver sa ou son partenaire, après une course à 80 km/h de moyenne.
Quinze jours avant le concours, on sépare le couple. Et c'est cette longue privation sexuelle qui, le jour J, va stimuler la motivation pour revenir rapidement au nid.
"Vite, vite, vite à la maison chez les femmes", lâche en souriant l'éleveur flamand, dans un français hésitant.
Quant à Armando, le pigeon à 1,25 million d'euros, "il est très malin", dit-il.
A partir de ses 2 ans, quand il est devenu suffisamment expérimenté pour éviter les lignes à haute tension ou la rencontre avec un prédateur, il a enchaîné les performances: 2e du concours de Limoges (2017, 2018) et vainqueur de celui d'Angoulême l'an dernier, deux compétitions qui ont lieu en France.
Comme pour un pur-sang
Début 2019, c'est la consécration: il remporte à Poznan en Pologne une sorte de Ligue des champions pour pigeons voyageurs, où chaque pays européen envoie son meilleur représentant. De quoi étoffer son CV et séduire les spéculateurs.
Après la vente, Armando a été emmené, vraisemblablement dans un élevage belge tenu par des Chinois, afin de se reproduire.
Son acheteur, un entrepreneur du BTP qui organise des paris en Chine, est convaincu que son ADN va désormais être très recherché, un peu comme pour un pur-sang.
Chez lui, Joël Verschoot prend un soin particulier des descendants d'Armando, notamment "un fils et une fille", qu'il a isolés pour qu'ils fassent des petits entre eux.
"Il y aura bientôt des petits-enfants d'Armando qui vont se vendre, et de plus en plus cher, c'est sans fin", poursuit-il.
Cette "professionnalisation" fait grincer des dents certains puristes.
"S'intéresser à un pigeon pour son sperme, un colombophile ordinaire ne fera jamais ça. Ce n'est pas ça qui va promouvoir le sport", dit à l'AFP Bernard Ancia, de la revue spécialisée La Colombophilie belge.
Enracinée en Belgique - où on compte 18 à 20.000 éleveurs licenciés - mais aussi aux Pays-Bas ou dans le nord de la France, la tradition des concours de pigeons voyageurs a tendance à décliner, regrette cet expert.
"Il faut donner de son temps et l'amateur n'est pas souvent suivi par sa femme ou ses enfants", constate-t-il.
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