"Nous ouvrons une enquête" contre Juan Guaido pour des faits qui constituent "un crime, celui de haute trahison", a déclaré le procureur général Tarek William Saab, réputé proche du pouvoir chaviste, dans une allocution télévisée.
La justice soupçonne Juan Guaido, qu'une cinquantaine de pays reconnaissent comme président par intérim, d'avoir voulu "livrer" à des entreprises multinationales l'Esequibo, un territoire riche en minerais du Guyana que Caracas revendique.
L'opposant a immédiatement réagi en qualifiant de "parodie" l'intervention du procureur général. Dans un discours prononcé à Puerto La Cruz (est), il a jugé qu'elle visait à "distraire l'attention de ce qui est réellement important", c'est-à-dire la présence au Venezuela de groupes armés colombiens, comme l'ELN et des dissidents des Farc qui ont annoncé la semaine dernière leur retour aux armes. Et ce, avec la "permission" du gouvernement de Nicolas Maduro.
"Ultime erreur"
Juan Guaido, qui préside le Parlement, est dans la ligne de mire de la justice depuis le 23 janvier. Il s'était ce jour-là autoproclamé président par intérim, réfutant toute légitimité à Nicolas Maduro dont le maintien au palais de Miraflores était due, d'après lui, à la présidentielle "frauduleuse" de 2018.
Son autoproclamation avait donné lieu à l'ouverture d'une enquête pour "usurpation de la fonction présidentielle". Ont suivi d'autres enquêtes, notamment pour "financement illicite" et violation d'interdiction de sortie du Venezuela, lorsque Juan Guaido s'était embarqué dans une tournée latino-américaine en février.
L'immunité parlementaire de l'opposant a été levée en avril par l'Assemblée nationale constituante, acquise à Nicolas Maduro, mais il n'a pas été interpellé.
Son arrestation, a d'ailleurs averti l'administration du président américain Donald Trump, féroce contempteur de Nicolas Maduro, serait "l'ultime erreur" du gouvernement socialiste.
Washington a pris un grand nombre de sanctions économiques pour mettre Nicolas Maduro sous pression, notamment un embargo sur le pétrole, principale ressource du Venezuela. Mais ses efforts n'ont pas porté leurs fruits pour le moment, tout comme ceux de Juan Guaido.
L'appel de ce dernier au soulèvement de l'armée le 30 avril a fait long feu et les manifestations anti-Maduro drainent de moins en moins de Vénézuéliens, saignés par une crise économique sans précédent.
Et les négociations entre le gouvernement et l'opposition, entamées en mai sous l'égide de la Norvège, sont suspendues depuis que le gouvernement a suspendu sa participation après de nouvelles sanctions américaines en août.
Vendredi soir, Nicolas Maduro a justement assuré à la télévision que le camp présidentiel ne retournerait pas à la table des négociations "tant que le député Guaido n'aura pas clairement renoncé à sa volonté de livrer l'Esequibo".
Or, pendant son discours de la mi-journée, Juan Guaido a lancé: "l'Esequibo est à nous, au Venezuela".
Revendication territoriale
Nicolas Maduro avait pressé la veille la justice de poursuivre Juan Guaido pour "haute trahison", un chef d'accusation qui induit une peine de 20 à 30 ans de prison, selon le code pénal vénézuélien.
M. Maduro reprenait l'accusation lancée plus tôt dans la journée par son gouvernement, selon laquelle Juan Guaido entend "livrer" l'Esequibo à des multinationales.
Ces accusations se basent sur un message vocal divulgué par le gouvernement, dans lequel une personne identifiée comme étant une responsable de l'administration américaine communique avec un "conseiller externe" de M. Guaido. La "responsable américaine" exhorte ce "conseiller" à "changer la position du Venezuela" et "livrer l'Esequibo" à ExxonMobil et d'autres multinationales, selon le gouvernement.
L'Esequibo est un territoire riche en minerais et bordé d'une zone maritime possédant des ressources pétrolifères. Sa souveraineté est réclamée par le Venezuela à son voisin oriental, le Guyana.
Caracas conteste la sentence arbitrale rendue à Paris à la fin du XIXe siècle, accordant la région à la colonie britannique de l'époque, et met en avant l'accord de 1966 proposant une solution négociée. La tension a resurgi en 2015, à l'occasion de la découverte de pétrole dans des eaux disputées.
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