Jean Ligonnet, 73 ans, père de six enfants, atteint de démence et désorienté, est entré à l'hôpital de la Conception le 19 août au matin. Comme régulièrement depuis près d'un an, il a rendez-vous en hôpital de jour, pour une séance de chimiothérapie.
Cette fois-là, son traitement, très spécifique et pour lequel il vient spécialement du Var, a pris du retard. Il doit patienter. Un plateau repas lui est fourni. A 14H00, trois heures plus tard, le personnel ne le trouve plus dans la salle d'attente, explique à l'AFP son fils, Jean Hospice.
L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), régulièrement confrontée à des fugues de patients, assure avoir tout mis en oeuvre pour le retrouver: fouilles répétées de tout l'établissement et ses abords, visionnage de la vidéosurveillance, mobilisation générale des personnels encadrants, soit "des dizaines" de personnes...
Ce n'est finalement que mardi que la direction de l'hôpital puis la police apprennent à M. Hospice que le cadavre de son père, "en état de décomposition avancée", a été retrouvé "dans une aile désaffectée".
Le vieil homme est selon toute vraisemblance décédé seul. Une autopsie a été menée mercredi "qui n'établit pas l'intervention d'un tiers", a précisé à l'AFP le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de la mort.
"Notre métier est de soigner. Tout le monde se sent responsable", a déclaré Sylvia Breton, directrice adjointe de l'AP-HM, qui a présenté ses condoléances à la famile, au cours d'une conférence de presse organisée mercredi.
Un discours qui ne passe pas auprès de la famille, qui avait placardé depuis deux semaines de nombreuses avis de recherche dans le quartier. Avant même la découverte du corps, M. Hospice a porté plainte contre l'hôpital pour "délaissement" d'une personne vulnérable.
Selon lui, tout n'a pas été mis en œuvre : "La directrice de l'établissement m'a dit qu'elle avait fouillé partout. Moi, je suis passé d'étage en étage. Je demandais (...) s'ils avaient retrouvé mon père et les femmes des services me disaient qu'elles n'étaient pas au courant" d'une disparition.
"Je suis dégoûté, écœuré, parce que mon père ne méritait pas de mourir dans des circonstances comme ça. (...) Ils l'ont fait mourir comme un chien, et ils l'ont oublié", a-t-il ajouté.
Plusieurs mystères
L'AP-HM, de son côté, a lancé une enquête interne et souligne que le patient, qui résidait "en secteur fermé" à la maison de retraite d'Âge d'Or, à la Seyne-sur-Mer (Var), était venu "seul", en taxi, suivre son traitement.
"Il aurait été préférable qu'il soit accompagné. Il était désorienté et dément", a regretté la directrice adjointe. "Nous n'étions pas au courant d'épisodes récents" de fugue, qui s'étaient produits peu avant à l'EHPAD, a de son côté précisé le professeur Régis Costello, chef du service d'hématologie.
"Il était connu pour sa pathologie hématologique, pour sa pathologie neurologique, mais pas pour les fugues, c'est un patient qui ne posait aucun problème", a-t-il souligné.
Interrogée par l'AFP, la directrice de la maison de retraite a refusé de répondre, "par respect du deuil de la famille" et en raison de l'enquête judiciaire en cours.
Dans l'attente de ses résultats, plusieurs mystères demeurent. L'unité désaffectée dans laquelle le cadavre a été retrouvé, à l'intérieur d'une chambre dont la poignée était cassée, avait été fouillée plusieurs fois, sans qu'aucun bruit ou signe de présence ne soit décelé.
L'unité elle-même était verrouillée, même si le parcours du vieil homme a pu le mener jusqu'à une issue de secours, retrouvée fracturée.
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