Le groupe italien, dont la famille Berlusconi est le principal actionnaire, souhaite fusionner ses activités italiennes et espagnoles au sein d'une holding de droit néerlandais, Media For Europe (MFE). Son objectif: fédérer ensuite autour de MFE d'autres grands acteurs européens de la télévision, afin de rivaliser avec les géants du web, de Netflix à YouTube.
Cette holding permettra aussi aux Berlusconi de renforcer leur contrôle sur le groupe, avec des votes triplés d'abord, puis jusqu'à multipliés par dix après un certain délai.
Mais Vivendi, deuxième actionnaire de Mediaset, n'entend pas se laisser faire. Il a d'ores et déjà annoncé qu'il voterait contre ce projet, qui aboutirait à "priver indûment" les actionnaires minoritaires comme lui de certains de leurs droits.
Pour être validée, la fusion doit être approuvée par les deux tiers du capital présent lors de l'AG extraordinaire, convoquée à 10H00 (08H00 GMT) au siège de Mediaset, à Cologno Monzese. Et sauf énorme surprise, elle le sera.
Fininvest, la holding des Berlusconi, détient 45,89% des droits de vote.
Vivendi, à qui la possibilité de voter avait été refusée par Mediaset lors d'une précédente AG, a obtenu gain de cause samedi devant la justice italienne et s'exprimera avec 9,99% des droits de vote.
En revanche, il est très peu probable que le conseil d'administration de Mediaset permette de voter à Simon Fiduciaria, la société fiduciaire à qui Vivendi, également actionnaire de Telecom Italia, a dû transférer quelque 20% des droits de vote pour respecter la loi sur la pluralité des médias. Le CA l'avait refusé en juin 2018, en arguant que les actions avaient été acquises en violation de cette loi.
"Ce que va faire Mediaset (en refusant à Simon Fiduciaria de voter) est illégal. Une épée de Damoclès va pendre au-dessus de leur décision. On pense que le projet de fusion sera acté, mais on va tout faire avec les autres actionnaires pour le bloquer", a déclaré à l'AFP un porte-parole de Vivendi.
"On conteste la légalité du projet. Il y a plein de recours possibles, notamment devant les tribunaux européens", a-t-il ajouté.
"Paradoxe"
"C'est un paradoxe", a commenté auprès de l'AFP Carlo Alberto Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l'université Bocconi de Milan: "Vivendi se retrouve à voter contre un projet industriel né en fait avec lui et qui reprend ses propres idées: car c'est pour cela qu'il avait scellé une alliance avec Mediaset".
En avril 2016, les deux groupes annoncent en effet la signature d'un "accord stratégique", prévoyant le rachat de la chaîne payante Mediaset Premium par Vivendi et un échange de participations à hauteur de 3,5%. Un des objectifs: lancer une plate-forme de contenus susceptible de concurrencer Netflix.
Mais en juillet 2016 Vivendi dénonce le contrat et en décembre s'empare, au terme d'un raid qualifié d'"hostile" par les Berlusconi, de 28,8% de Mediaset.
Depuis, les deux groupes sont à couteaux tirés et s'affrontent devant les tribunaux.
Le projet de Mediaset est "un projet nécessaire. Les entreprises nationales de médias ne peuvent seules survivre dans le contexte mondial actuel", note M. Carnevale Maffé.
Un moyen pour Vivendi de faire capoter le projet serait d'exercer le droit à se faire racheter ses actions. Le projet MFE serait en effet annulé si Mediaset se retrouvait à devoir rembourser au-delà de 180 millions d'euros d'actions, au prix fixé à 2,77 euros l'une.
Mais pour le groupe de Vincent Bolloré, la moins-value serait considérable, de l'ordre de 300 millions d'euros, puisqu'il les avait achetées 3,7 euros.
Une source proche du dossier a estimé que Vivendi, vu la perte encourue, ne le ferait pas. Même opinion de M. Carnevale Maffé: "Ce serait un geste d'orgueil, mais financièrement absolument déconseillé".
Selon le professeur, "le conflit doit être résolu par les entreprises, et non devant les tribunaux. Le conseil que l'on pourrait donner à Vivendi est de faire l'actionnaire patient, en passant d'une optique de conflit à une intelligence cynique, également dans la perspective de résultats financiers".
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