60 % de Rouen (Seine-Maritime) a été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est considérable. Mais finalement bien loin encore des souffrances du Havre, de Caen ou de Saint-Lô, quasi entièrement rasées sous les bombes. Il faut dire qu'il n'y a pas vraiment eu de bataille de Rouen à la Libération. "C'est un épisode de la bataille de Normandie", raconte l'historien spécialiste de la ville, Jacques Tanguy. Presque du registre de l'anecdotique. Les destructions sont intervenues bien avant, lors des bombardements de 1942, 1943 et surtout d'avril et mai 1944, en préparation du Débarquement.
La libération de Rouen n'intervient que le 30 août 1944, presque trois mois après le Débarquement. La percée du général Patton à Avranches a ouvert la voie. L'armée allemande est en retraite. La terrible 2e division SS Das Reich s'arrête du côté d'Orival, aux abords de la forêt de La Londe. "Il a été question de reformer une ligne de défense le long de la Seine mais les Allemands ont vite compris qu'ils ne tiendraient pas", explique l'historien. L'armée canadienne progresse et traverse la Seine entre Pont-de-l'Arche et Elbeuf. Le 29 août, elle est installée sur les hauteurs à Bonsecours, où flotte alors le drapeau tricolore sur le château d'eau. Pendant ce temps, l'armée allemande tente de se replier sur la rive droite, tant bien que mal, car la plupart des ponts ont été détruits pas les bombardements alliés. Une grande partie des hommes de la Wehrmacht est bloquée sur les quais rive gauche. Les 28 et 29 août, les bombardements anglais sont un véritable carnage. Les canons et tanks allemands sont détruits. Sur les quais, il ne reste plus que les corps lacérés des soldats d'outre-Rhin.
Les bombardements alliés ont ravagé les quais et les ponts rouennais. - Archives départementales
Une joie en retenue
Très vite, l'avant-garde canadienne descend vers Rouen et se stationne au niveau de l'église Saint-Paul, hésitant encore à entrer dans la ville. Pendant ce temps, les résistants rouennais ont pris le relais et, déjà, se sont emparés de l'hôtel de ville. Très peu d'Allemands sont encore présents et les combats sont restés sporadiques. Georges Lanfry, résistant rouennais, fait alors confectionner un drapeau tricolore géant par les femmes de la famille. Des résistants l'ont accroché à la flèche de la cathédrale de Rouen, "sous les balles encore sifflantes selon des témoins", décrit Jacques Tanguy. Finalement, les résistants vont à la rencontre des Canadiens et les enjoignent d'entrer dans la ville. C'est chose faite le 30 août. Les hommes du général Crerar remontent la rue de la République jusqu'à l'hôtel de ville, dans une relative discrétion.
Les Canadiens entrent dans Rouen le 30 août 1944.
"Les Rouennais réagissent peu, ils sont tétanisés et leur joie est en retenue. La ville avait souffert", précise l'historien. Ce n'est que le soir venu que s'organise un grand bal populaire sur la place de l'hôtel de ville. Le préfet Dramard est enfermé. Les femmes de collabo sont tondues en place publique pour indignité nationale.
Mais la fête est de courte durée car la population n'est pas sortie d'affaire. Elle manque de tout et en premier lieu de vivres. Les ponts sont détruits et les Allemands ont coulé 400 navires et détruit la plupart des quais et infrastructures du port avant leur repli vers Neufchâtel-en-Bray. Les Canadiens, quant à eux, sont repartis dès le lendemain vers leur réel objectif : Dieppe. Il était convenu que la libération de cette ville leur reviendrait, comme une revanche sur l'opération Jubilee d'août 1942. Ce raid, mené en majorité par des Canadiens, avait coûté la vie à près de 1000 de leurs hommes.
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