Q: Lampedusa pourrait-elle accueillir les passagers de l'Ocean Viking, bloqué entre Malte et la Sicile ?
R: Ce serait difficile car le centre d'accueil est saturé (plus de 200 migrants dont beaucoup arrivés par leurs propres moyens pour une capacité de 96 places, ndlr). Et le bateau est plus près des côtes siciliennes que de notre île, ce ne serait pas logique qu'il revienne par ici.
Mais on ne pourra jamais dire +C'est fini on n'accueille plus personne+. A Lampedusa on gère cette situation en tant que marins, en tant que pêcheurs. Si quelqu'un ou un bateau a besoin d'être secouru, il peut accoster. S'il y a un problème juridique, une responsabilité pénale, on en jugera à terre. Mais si quelqu'un à Rome considère qu'on doit gérer seuls la question des migrants…
Je suis allé sur l'Open Arms, on avait en mer un équipage et des passagers qui avaient besoin d'aide, et personne ne se décidait. On ne peut pas soumettre des gens à des caprices légaux.
Beaucoup de gens en Italie sont convaincus que, à côté de ces cas très médiatiques, les naufrages se sont arrêtés. Ils se trompent !
Q: Comment l'île vit-elle l'arrivée des migrants?
R: Il y a des gens en Italie qui disent qu'on se fait de l'argent sur le dos des migrants. Ce sont des menteurs, des affabulateurs qu'on devrait juger. On n'a pas reçu un euro. Cette situation a pourtant des conséquences économiques, notamment sur l'image de notre île. Il y a aussi les bateaux abandonnés qui gênent la navigation et l'activité des pêcheurs.
L'Etat italien devrait avoir le courage de reconnaître l'engagement des habitants de Lampedusa. Avant que quelqu'un ici ne s'énerve un peu trop. J'ai reçu des menaces (à cause de ses positions favorables à l'accueil, ndlr).
Lors de mon premier mandat, à partir de 1993, des migrants débarquaient déjà sur l'île. Vingt-cinq ans après, on continue à qualifier cette situation d'+urgence+.
Q: Le discours anti-migrants du ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini est-il porteur à Lampedusa?
Parfois, la propagande est tellement forte que les gens ne voient plus la réalité de la situation sous leur nez. Si le ministre avait vu la situation ici de ses propres yeux, j'aurais pu comprendre. Mais l'île n'existe plus politiquement, elle est seulement exploitée dans des affrontements politiques à Rome. Certains tentent de démontrer à travers Lampedusa que le système d'accueil des migrants ne fonctionne pas.
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