Evelyn Hernandez, qui encourait 30 à 50 ans de prison pour homicide aggravé par négligence après avoir perdu son bébé, a été acquittée lundi faute de preuves.
"Je suis heureuse", a déclaré la jeune femme, âgée de 21 ans, en sortant du tribunal de Ciudad Delgado, au nord-est de San Salvador, la capitale.
"Le juge a été assez juste : il a dit qu'il n'y avait pas moyen de prouver le délit, et c'est pour cela qu'il a prononcé l'acquittement. Il a dit qu'il s'agissait d'un accouchement difficile", a indiqué Bertha Maria Deleon, avocate d'Evelyn Hernandez.
Une centaine de femmes rassemblées devant le palais de justice ont laissé éclater leur joie à l'annonce de la décision : "Attention, attention, la lutte féministe avance en Amérique latine", ont-elles scandé.
"Grâce à Dieu, justice a été rendue"
"Grâce à Dieu, justice a été rendue. Je vous remercie aussi vous toutes qui êtes venues ici", a lancé Evelyn Hernandez aux manifestantes.
L'accusation avait réclamé contre la jeune femme une peine de 40 ans de prison pour homicide aggravé par négligence. Le parquet peut faire appel du jugement dans les dix jours. Les représentants de l'accusation ont quitté le tribunal sans faire de déclarations.
"Tout le temps passé (en prison) a été dur", a souligné la jeune femme, qui est restée 33 mois derrière les barreaux après une première condamnation à 30 ans de prison en juillet 2017. Ce premier jugement avait été cassé en février par la Cour suprême, et Evelyn Hernandez avait été libérée.
L'affaire remonte au 6 avril 2016, lorsque la jeune femme, alors adolescente, donne naissance à un bébé dans des toilettes. Transférée à l'hôpital de la ville de Cojutepeque (centre), elle est arrêtée et accusée d'homicide. Evelyn Hernandez a toujours protesté de son innocence et assuré que son bébé était mort-né.
Dans un premier temps, il avait été dit qu'Evelyn Hernandez était enceinte après un viol, mais son avocate a expliqué ensuite, sans donner plus de détails, préférer ne plus évoquer ces circonstances à la demande de la jeune femme qui habite dans un quartier contrôlé par les gangs et pourrait faire l'objet de représailles.
"Pratique discriminatoire"
"Cela prouve que le délit n'existait pas, qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites", a déclaré à la sortie du tribunal l'avocat Arnau Baulenas de l'Université jésuite centroaméricaine IDHUCA. Le juriste, qui faisait partie de l'équipe de la défense, a déploré que beaucoup de femmes soient poursuivies au Salvador "en raison de convictions religieuses" plus que pour des motifs juridiques.
Amnesty International a salué dans un communiqué "une victoire éclatante pour les droits des femmes au Salvador" : "aucune femme ne doit être mise injustement en accusation pour homicide pour le simple fait d'être confrontée à une urgence obstétrique".
"Maintenant qu'Evelyn a été acquittée, Amnesty International demande au Salvador de mettre fin une bonne fois pour toutes à la honteuse pratique discriminatoire criminalisant les femmes, et de supprimer immédiatement les règles draconiennes contre l'avortement", ajoute l'organisation de défense des droits de l'homme.
En effet, le code pénal salvadorien prévoit toujours une peine de deux à huit ans de prison pour les cas d'avortement. En outre, dans les faits, les juges considèrent toute perte du bébé comme un "homicide aggravé", puni de 30 à 50 ans de réclusion.
Actuellement, 16 femmes sont en prison au Salvador pour des avortements. Au cours des derniers mois, cinq femmes condamnées pour des cas similaires ont été remises en liberté.
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