Symbole de la Guerre froide et de la séparation de l'Europe en deux blocs, l'espace où s'érigeait jadis le Mur de Berlin, tombé en novembre 1989, est désormais un lieu prisé de balade, une attraction touristique et artistique dont il ne reste que de rares vestiges.
Les sportifs se sont aussi approprié les vestiges du Mur, élevé en quelques jours à l'été 1961. Mais cet ultra-marathon, s'il représente un défi physique hors norme, est surtout l'occasion de se souvenir de ses victimes.
Pour sa 8e édition, quelque 500 participants de 32 nationalités différentes se sont élancés à 04H00 GMT. Les plus aguerris vont devoir courir toute la nuit de samedi avant de boucler l'épreuve aux premières heures de dimanche.
"Tu sais que tu vas avoir mal, il faut l'accepter et se dire +Je peux encore faire un pas de plus+", a confié avant le départ le coureur suédois Patrik Gullerstrom, 43 ans, qui a déjà participé quatre fois.
L'Israélien né en Russie Tom Shenbrun, 50 ans, raconte que son grand père était soldat dans l'Armée rouge quand elle est entrée dans Berlin en 1945.
"En tant que juif, c'est quelque chose de très spécial. Vous sentez l'histoire tout au long du trajet (...) Vous pouvez comprendre comment (le Mur) a divisé une nation, des familles, des amis".
138 tués
L'itinéraire passe notamment par la Porte de Brandebourg et le mythique Checkpoint Charlie, mais aussi par de nombreux monuments dédiés aux 138 personnes tuées en tentant de passer à l'Ouest.
"Ce qui m'impressionne vraiment, c'est le nombre de participants, car l'histoire du Mur est importante pour eux", salue Nina Blisse, une organisatrice de la course. "Beaucoup ne le font pas pour courir vite, ils lisent chaque mémorial le long du parcours", dit-elle.
Les organisateurs ne lésinent pas sur les symboles pour inscrire la course dans une dimension historique.
Les inscriptions pour l'épreuve de 2020 seront par exemple ouvertes à 18h57 (16h57 GMT) le 9 novembre, pour marquer l'heure exacte à laquelle en 1989 la RDA communiste a levé l'interdiction de voyager, provoquant la chute du Mur.
Chaque année, l'une des 138 victimes est choisie pour un hommage particulier: son portrait figure sur la médaille de ceux qui parviennent au terme de la course et une cérémonie a lieu sur le parcours à l'endroit exact de sa mort.
Lors de la première édition en 2011, c'est ainsi la dernière victime du Mur, Chris Gueffroy, tué début 1989, qui avait été honorée. Dimanche, c'est sa mère qui remettra les médailles.
"Ca ne partira jamais"
L'an dernier, un hommage particulier avait été rendu à la plus jeune victime, Jörg Hartmann, un garçon de 10 ans abattu par les gardes-frontières est-allemands en 1966 alors qu'il tentait de rendre visite à son père à l'Ouest.
"J'en ai encore la chair de poule", confie Olaf Ilk, né en Allemagne de l'Est et co-organisateur de la course.
Les organisateurs sont souvent personnellement concernés.
Un d'entre eux, Andreas Pfeiffer, né à l'Est, a ainsi été emprisonné deux ans dans les années 1980 pour avoir tenté de franchir le Rideau de fer entre la Hongrie et l'Autriche.
Il avait été libéré en Allemagne de l'Ouest dans le cadre d'un programme qui a vu 33.755 prisonniers politiques vendus par l'Allemagne de l'Est pour 3,5 milliards de deutschemark.
"Je n'ai jamais été un coureur, mais quand j'ai entendu parler de la course pour la première fois, j'ai voulu m'impliquer", explique-t-il, confiant avoir "encore des frissons" à chaque traversée de l'ancienne frontière. "Ça ne partira jamais."
D'un strict point de vue sportif, cet ultra-marathon relève du tour de force. "Il faut accepter le fait que l'on court pendant 24 heures", explique Nina Blisse, qui a terminé les éditions 2014 et 2015 en moins de 26 heures.
Le record du parcours a été établi en 2014 par le Britannique Mark Perkins, en 13 heures et 6 minutes.
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