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Le palais présidentiel pris par les séparatistes, le Yémen s'enfonce dans le chaos

Le Yémen, déjà ravagé par cinq ans de guerre civile, s'est davantage enfoncé dans le chaos samedi avec la prise du palais présidentiel à Aden par des combattants séparatistes, après plusieurs jours d'affrontements dans cette grande ville du sud.

Le palais présidentiel pris par les séparatistes, le Yémen s'enfonce dans le chaos
Des séparatistes du sud du Yémen posent devant un char confisqué sur une base militaire gouvernementale à Aden, le 10 août 2019 - Nabil HASAN [AFP]

Depuis mercredi, des affrontements opposent des combattants séparatistes aux soldats du gouvernement, et cela alors que tous sont alliés depuis 2015 au sein d'une coalition emmenée par le pouvoir saoudien à Ryad et le gouvernement émirati d'Abou Dhabi, pour lutter contre les rebelles Houthis soutenus par l'Iran.

"Nous avons pris le palais aux forces de la garde présidentielle sans combat", a assuré à l'AFP un porte-parole d'une force militaire séparatiste appelée "Cordon de sécurité" et formée par les Emirats arabes unis.

S'il s'agit d'une prise surtout symbolique -le président Abd Rabbo Mansour Hadi et son Premier ministre se trouvent en Arabie Saoudite-, elle n'en marque pas moins un tournant, le ministère yéménite des Affaires étrangères ayant accusé les Emirats d'être "responsables du coup d'Etat" des séparatistes à Aden.

"Nous demandons aux Emirats d'immédiatement cesser leur soutien matériel et militaire aux groupes qui se sont rebellés contre l'Etat", est-il précisé dans un tweet du ministère.

La coalition dirigée par les Saoudiens a quant à elle appelé samedi à un cessez-le-feu "immédiat" à Aden et à une "réunion d'urgence" des parties en conflit dans cette ville. "La coalition appelle à un cessez-le-feu immédiat dans la capitale provisoire yéménite (Aden, ndlr) (...) et affirme qu'elle utilisera la force militaire contre quiconque le violerait", a déclaré un de ses porte-parole cité par l'agence de presse officielle saoudienne.

"Le Royaume (d'Arabie Saoudite) invite le gouvernement du Yémen et toutes les parties au conflit à Aden à une réunion d'urgence (...) en Arabie Saoudite pour discuter de leurs différends, pour laisser une chance à la sagesse et au dialogue, pour renoncer aux divisions, pour mettre fin au conflit et pour s'unir", a de son côté écrit sur Twitter le ministère saoudien des Affaires étrangères.

Dimanche matin, les séparatistes ont abondé. Le Conseil de transition du sud (STC), qui inclut les forces du "Cordon de sécurité", "approuve le communiqué de la coalition et assure s'engager pleinement dans le cessez-le-feu", a-t-il écrit sur son site internet. "Le STC se félicite de l'invitation des frères d'Arabie saoudite à dialoguer et assure y être disposé", ajoute-t-il dans son bref communiqué.

Le gouvernement yéménite a publié un communiqué quasiment dans les mêmes termes: il salue le cessez-le-feu immédiat dans la capitale temporaire Aden à partir de 01h00" dimanche, s'engage à le respecter et soutient la perspective d'une réunion dans le royaume saoudien.

Selon des sources militaire et sécuritaire, des combattants séparatistes s'étaient déjà emparés plus tôt dans la journée de trois casernes des forces gouvernementales à Aden, où le pouvoir loyaliste a établi son siège, depuis que la capitale historique du pays, Sanaa, dans le nord, est aux mains des rebelles Houthis.

"Aujourd'hui, nous avons remporté une grande victoire dans la capitale Aden et 10 bataillons (de l'armée loyaliste) ont été battus", a déclaré Mokhtar al-Noubi, le chef du 5e bataillon des séparatistes, entouré de membres de forces armées célébrant la prise du palais.

Les forces loyalistes n'ont pas donné pour le moment d'informations sur d'éventuelles pertes.

"Empêcher l'escalade"

Les combats à Aden entre éléments séparatistes du "Cordon de sécurité" et troupes du gouvernement, ont fait au moins 18 morts -combattants et civils-, selon des médecins et des sources de sécurité.

Le chef du Comité international de la Croix-Rouge au Yémen, Franz Rauchenstein, a écrit sur Twitter que toutes les parties devraient tenir "les civils et les zones d'habitation" à l'écart des confrontations.

Selon Médecins sans frontières (MSF), plus de 75 personnes blessées ont été soignées dans un hôpital relevant de cette ONG depuis vendredi.

Avant même que le palais présidentiel ne tombe, le ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed s'était pour sa part déclaré "très inquiet" et avait affirmé "mettre en oeuvre tous les efforts possibles pour calmer la situation et aboutir à une désescalade".

"L'important, c'est d'intensifier les efforts de toutes les parties sur le front principal", celui contre les Houthis, avait-il ajouté.

Le gouvernement yéménite avait appelé jeudi l'Arabie saoudite et les Emirats à "faire pression de manière urgente" sur ces partisans d'un Yémen du Sud indépendant "pour empêcher" toute escalade militaire.

Hostilité Nord-Sud

Les affrontements à Aden rendent un peu plus inextricable encore la situation d'un pays où des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, ont déjà trouvé la mort à la suite de la guerre civile, selon diverses organisations humanitaires.

Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d'assistance, selon l'ONU.

Le Yémen du sud était un Etat indépendant jusqu'en 1990. Dans le sud, le ressentiment est fort contre les Yéménites originaires du Nord accusés d'avoir imposé par la force l'unification du pays.

A cette hostilité Nord-Sud s'ajoute désormais le conflit au sein de la coalition hétéroclite formée au départ pour défendre le gouvernement.

Ce n'est pas la première fois que les séparatistes du Conseil de transition du sud (STC) s'opposent aux unités loyales au président Hadi.

En janvier 2018, des combats entre séparatistes et forces loyales au président avaient fait au moins 38 morts et la situation ne s'était apaisée qu'après une intervention concertée saoudo-émiratie.

Le Yémen est à présent confronté au risque d'une "guerre civile dans la guerre civile", a estimé dans un rapport le centre de réflexion sur les conflits International Crisis Group (ICG).

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