L'ancien bras droit de Pol Pot est décédé dimanche à Phnom Penh à l'âge de 93 ans.
En 2014, il avait été condamné à la prison à perpétuité pour "crimes contre l'humanité" par le tribunal international mis en place par l'ONU. Quatre ans plus tard, il avait été reconnu coupable de "génocide" à l'encontre de plusieurs minorités ethniques.
Plusieurs centaines de personnes portant le deuil, des proches notamment sa femme et sa fille aînée mais aussi des anciens cadres khmers rouges, ont suivi son cerceuil richement décoré jusqu'au crématorium d'un temple bouddhiste dans la province de Pailin, proche de la frontière thaïlandaise. Cette région resta un bastion khmer rouge même après l'effondrement du régime, renversé en 1979 par l'intervention armée du Vietnam.
Les participants aux funérailles lui avaient auparavant rendu hommage, allumant de l'encens et priant devant sa dépouille, entourée de fleurs et d'offrandes.
"C'était mon héros (...) un véritable nationaliste". "Ces dirigeants (khmers rouges) ont protégé le territoire du pays d'une invasion des pays voisins", a déclaré à l'AFP Keo, ancien combattant pour le régime de Pol Pot.
Je suis venu "faire un dernier adieu" à Nuon Chea, a relevé de son côté Meas Muth, ex-commandant de la marine des Khmers rouges, inculpé de "génocide" et de "crimes contre l'humanité" mais dont le sort judiciaire reste incertain, les autorités cambodgiennes s'opposant à tout nouveau renvoi d'ex-dignitaires devant le tribunal international de l'ONU.
Trois responsables jugés
A ce jour, seuls trois responsables ont été jugés devant cette juridiction, critiquée pour la lenteur des procédures et son coût de fonctionnement: Nuon Chea, Khieu Samphan, le chef officiel de l'Etat khmer rouge, et Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison S-21, où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.
Le décès de Nuon Chea relance "la question de savoir si les millions de Cambodgiens décédés (...) ont obtenu la justice qu'ils méritent", a commenté mardi Human Rights Watch. Il faut "demander à Hun Sen de poursuivre en justice ceux qui ont torturé le peuple cambodgien", a ajouté l'ONG.
Le régime de Pol Pot, décédé en 1998, fit quelque deux millions de morts entre 1975 et 1979. Environ un quart de la population est mort d'épuisement, de famine, de maladies ou à la suite de tortures et d'exécutions pendant que les Khmers rouges dirigeaient le pays, lui imposant leur utopie agraire.
Aujourd'hui, de nombreux Cambodgiens évoquent la nécessité de sortir de ce chapitre si douloureux.
"Tout le monde a été victime" mais "je lui pardonne", a souligné Pang Cheng Ly, une nonne de 60 ans venue assister aux funérailles de Nuon Chea et qui dit avoir perdu plus de 10 proches sous le régime khmer rouge.
"Je n'ai plus de haine. Cela fait si longtemps", a renchéri un homme sous couvert d'anonymat. Mais, "ce qu'il a fait aux Cambodgiens est un exemple à ne pas suivre pour les dirigeants du monde entier".
Se cachant souvent aux cours de ses procès derrière des lunettes noires, Nuon Chea n'a jamais reconnu sa responsabilité dans les atrocités.
"En tant que responsable d'un régime, il est très normal d'être accusé, mais (mon père) n'a pas commis les actes qu'on lui impute", a assuré vendredi à l'AFP sa fille aînée Ly Bunthoeun.
Personnalité très secrète, "Frère numéro deux" apparait toutefois, d'après les documents que laissera le régime à sa chute, "au coeur du système de purge", relève Solomon Kane, auteur d'un dictionnaire des Khmers rouges. Il est "impliqué dans divers assassinats" et a joué "un rôle de premier plan dans le meurtre des intellectuels".
Retiré à Pailin, il s'était rendu aux autorités cambodgiennes en 1998 dans le cadre d'un accord qui avait mis fin aux activités des Khmers rouges.
Il avait pour autant continué à vivre librement pendant près de dix ans dans la région dans une petite maison en bois avec son épouse et avait finalement été arrêté fin 2007.
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