C'est l'une des dispositions de la loi Schiappa sur les violences sexistes et sexuelles, entrée en vigueur début août 2018. Elle pénalise les "propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste", lorsqu'ils sont "dégradants, humiliants, intimidants, hostiles ou offensants". Des faits passibles de 90 euros d'amende, voire de 1.500 euros en cas de circonstance aggravante (lorsque la victime a moins de 15 ans, notamment).
En un an, 713 contraventions pour "outrage sexiste" ont ainsi été dressées par les forces de l'ordre sur l'ensemble du territoire, la grande majorité en flagrant délit, a indiqué à l'AFP le cabinet de la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes/hommes, Marlène Schiappa.
"Il n'est plus permis et ne doit plus être toléré d'invectiver, de suivre, d'humilier les femmes en les harcelant dans la rue, les transports ou l'espace public!", a commenté Mme Schiappa, en saluant des "résultats encourageants".
Pour les associations féministes, qui alertent depuis des années sur l'ampleur du phénomène et ses conséquences sur les victimes, cette loi a certes constitué une avancée, au moins symbolique. Mais certaines militantes estiment que son impact réel est marginal, et réclament une véritable politique de "prévention".
"Il ne faudrait pas que le chiffre des verbalisations devienne le chiffre officiel servant à quantifier le phénomène", beaucoup plus répandu que ne pourraient le laisser supposer les 713 amendes recensées, estime la militante marseillaise Anaïs Bourdet.
Menaces de viol, agressions verbales, commentaires dégradants et injurieux: pendant 7 ans, sur son site participatif "Paye ta shnek", elle a recueilli quelque 15.000 témoignages de femmes victimes.
Amère de constater que le harcèlement et les agressions verbales "sont toujours aussi fréquents", et n'arrivant plus à "digérer toute cette violence", elle a annoncé en juin qu'elle arrêtait son blog.
"Personne n'est intervenu"
Pour elle, la loi Schiappa relève de la "communication" gouvernementale, notamment parce que la nécessité de faire constater les faits en flagrant délit la rend peu applicable: "même si les harceleurs ne sont pas très intelligents, ils ne vont pas agir devant un agent de police!"
Surtout, "il faut se pencher sur l'origine du problème, en mettant l'accent sur la prévention, pour changer les mentalités dès la maternelle. Sinon, c'est un pansement sur une plaie béante".
Un constat partagé par l'association "Stop au harcèlement de rue", créée en 2014 - bien avant la déferlante "#MeToo".
Les quelque 700 amendes infligées depuis un an montrent que "l'impunité n'est pas totale, et c'est tant mieux", mais ce chiffre est "très éloigné de la réalité, car les femmes qui se font harceler, c'est tous les jours", relève Julie Peigné, l'un des militantes.
En outre, les femmes qui souhaitent porter plainte sont souvent mal reçues par la police, selon elle: "on leur demande si elles avaient bu ou comment elles étaient habillées, ou bien on leur dit que ce n'est pas grave, qu'elles vont s'en remettre".
Autre phénomène contre lequel la loi ne peut rien: sur "Paye ta shnek", beaucoup de victimes regrettent que personne ne soit intervenu pour les défendre lorsqu'elles ont été agressées ou dénigrées en public.
C'est en partie pour pallier ce manque que d'autres militants ont imaginé une application sur Smartphone, baptisée "HandsAway" (littéralement: "bas les pattes!"). Lancée en octobre 2016, elle compte 40.000 utilisateurs inscrits. Lorsqu'une femme est importunée, elle peut y déclencher une alerte géolocalisée: les utilisatrices à proximité sont ainsi averties de la présence d'un harceleur, et celle qui a déclenché l'alerte reçoit des messages de soutien des autres utilisateurs - y compris des hommes - qui peuvent l'aiguiller vers une structure d'accueil ou un commissariat.
Les alertes sont aussi parfois déclenchées par des hommes, lorsqu'ils sont témoins d'un harcèlement, souligne Lucile Dupuy, de "HandsAway". Dans une telle situation, "beaucoup d'hommes sont désemparés, ils ne savent pas comment réagir".
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