Beaucoup craignent que Washington, pressé de mettre un terme à la plus longue guerre de leur histoire, conclue hâtivement un accord de retrait de ses troupes qui permettrait aux insurgés de retrouver une certaine forme de pouvoir.
"On ne peut pas faire confiance aux talibans ni à leurs engagements parce qu'ils ont été des oppresseurs cruels durant leur régime", entre 1996 et 2001, estime Abdul Jamil Qureshi, un étudiant en psychologie de 23 ans.
Il se dit particulièrement "inquiet pour les femmes qui se sont battues pour leurs droits après la chute des talibans", renversés par une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
Zalmay Khalilzad, l'envoyé spécial américain, devrait rencontrer les rebelles ce week-end à Doha pour ce qui pourrait être la dernière série de pourparlers engagés depuis près d'un an.
Les attentes sont élevées avant ces discussions. Un accord entre les deux parties serait bâti sur un retrait graduel des troupes américaines et de l'Otan, revendication première des insurgés.
Aucun chiffre n'a été annoncé mais le Washington Post a rapporté jeudi que l'accord prévoit de réduire le nombre de soldats américains à 8.000, contre 14.000 actuellement.
En échange, les talibans promettent d'empêcher que l'Afghanistan ne serve de refuge à divers groupes terroristes, dont Al-Qaïda, qui avait mené les attaques du 11 septembre 2001 ayant déclenché l'intervention en Afghanistan.
Cet accord ouvrirait la voie à un dialogue "inter-afghan" entre les talibans et une délégation gouvernementale qui devrait avoir lieu courant août à Oslo.
Abdul Hadi, 32 ans, qui tient un stand de boissons énergisantes et de cigarettes dans la capitale, s'inquiète de ce qui arriverait à l'armée afghane si ses bienfaiteurs et formateurs américains partaient.
Selon lui, "le retrait des troupes américaines d'Afghanistan n'est pas la solution car les forces afghanes ne sont pas prêtes pour tenir tête aux combattants talibans et de Daesh", l'acronyme arabe du groupe Etat islamique.
"Pas de solution militaire"
Les forces de sécurité afghanes ont fortement souffert depuis qu'elles ont pris en 2014 le relais des forces armées étrangères sur les lignes de front partout dans le pays. Quelque 45.000 de ses membres ont été tués entre septembre 2014 et janvier 2019, selon le président afghan Ashraf Ghani.
Des années de formation par des experts étrangers et des milliards de dollars d'équipements militaires n'ont pas suffi face à une corruption endémique et des désertions massives.
Ahmad Jawed, 25 ans, un autre étudiant de l'Université de Kaboul, voit dans le retrait américain une "fuite". Selon lui, les talibans "veulent le monopole du pouvoir", ce qu'il juge "inacceptable".
"Ce n'est plus l'Afghanistan des années 90, nous vivons au XXIe siècle", dit-il. "Nous ne faisons pas confiance aux talibans et à leurs engagements".
Cependant, Abdullah, qui n'utilise que son prénom, comme nombre d'Afghans, dit privilégier un accord à condition qu'il conduise à une paix durable. "Il n'y a pas de solution militaire. Les pourparlers sont le seul moyen de résoudre les problèmes en Afghanistan", déclare le jeune homme de 20 ans, salarié d'une entreprise.
Il veut avant tout que son pays soit "libre de toute ingérence étrangère". "Si les talibans ne s'opposent pas au travail des femmes et à l'éducation des filles et les laissent être ce qu'elles sont devenues aujourd'hui, alors ils seront les bienvenus dans la société afghane", dit-il.
Mohammad Ashraf, 27 ans, chauffeur de taxi de Kaboul, désire par dessus tout un arrêt des violences. "Je me moque que les talibans reviennent ou pas. Ce qu'on veut c'est la paix et la sécurité", tranche-t-il.
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