Un an après l'affaire Benalla, qui a plongé la Macronie dans la crise, le gouvernement semble déterminé à ne pas reproduire les mêmes erreurs en occupant cette fois le terrain en force.
Depuis le perron de Matignon, Edouard Philippe a tenu mardi à affirmer en personne que le rapport de l'IGPN n'établissait "pas de lien" entre l'intervention des forces de l'ordre et la disparition de Steve Maia Caniço lors de la Fête de la musique à Nantes le 21 juin, tout en saisissant l'inspection générale de l'administration (IGA) afin d'"aller plus loin".
A ses côtés mais en retrait, Christophe Castaner est resté silencieux, visage fermé. L'affaire est suivie de près par Emmanuel Macron qui a, selon l'Elysée, appelé Edouard Philippe et Christophe Castaner à "prendre les initiatives nécessaires" depuis le fort de Brégançon, où le chef de l'Etat est en vacances.
Mercredi à l'occasion d'un déplacement dans l'Essonne sur le thème des cambriolages, le chef du gouvernement s'est une nouvelle fois présenté face aux micros pour apporter "tout (s)on soutien" au ministre de l'Intérieur. Il n'est "pas fragilisé", a insisté Edouard Philippe, malgré les attaques en règle de l'opposition qui, comme lors de la crise des "gilets jaunes", a placé le ministre dans sa ligne de mire.
Dans l'entourage d'Edouard Philippe, on se refuse à évoquer toute mise sous tutelle de Christophe Castaner. Selon un proche, il y a deux messages qu'Edouard Philippe, "inquiet depuis le début", voulait faire passer en montant ainsi en première ligne: "Un message d'émotion forte, celle de tous les Français, et l'engagement de transparence. Or, c'est plus fort quand c'est le Premier ministre lui-même qui fait passer ce message, au nom du gouvernement", explique cette source, ajoutant qu'il fallait "prendre à bras-le corps cette affaire qui est tout sauf banale".
Pour Philippe Moreau-Chevrolet, professeur en communication politique à Sciences-Po, il n'est pourtant "pas logique que le Premier ministre doive intervenir" sur un tel dossier. Selon l'expert, le soutien exprimé à Christophe Castaner est "à double tranchant", marquant le "désaveu, la marginalisation" du ministre de l'Intérieur qui "n'est plus capable de gérer seul la situation".
"Abject"
Cette supposée relégation au second plan est en tous cas largement exploitée par l'opposition. A droite, le député Julien Aubert (LR) a reproché au ministre de l'Intérieur une "forme de dilettantisme" et appelle à un remaniement gouvernemental.
A gauche, le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a fustigé le "régime macroniste qui a ouvert le cycle des violences et de la politisation de la police et de la justice" avec les ministres "Castaner et Belloubet, les bras ballants, toujours prêts à justifier n'importe quoi".
Dans ce contexte, la montée au front d'Edouard Philippe marque une "co-responsabilité" qui démontre "un problème à l'échelle de l'exécutif", a estimé le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure réclamant, comme LFI, une commission d'enquête parlementaire.
"La mort du jeune Steve est désormais une affaire d'Etat", a renchéri Julien Dray (PS).
"C'est assez abject ce que fait l'opposition" en "demandant la tête d'un ministre ou une commission d'enquête parlementaire" alors que, sur les faits, elle n'en sait "pas plus que nous", a réagi Jean-François Cesarini, député LREM du Vaucluse.
Sandra Regol, porte-parole d'EELV, a pour sa part critiqué l'"acharnement" du pouvoir contre la jeunesse, en rappelant notamment l'image d'adolescents à genoux après l'interpellation fin 2018 de 151 jeunes en marge d'une mobilisation lycéenne à Mantes-la-Jolie (Yvelines).
"Si c'était une affaire isolée dans un contexte neutre, il n'y aurait pas de problème" mais le décès de Steve Maia Caniço intervient après de nombreuses affaires et la crise des "gilets jaunes", explique M. Moreau-Chevrolet.
"Il y a une chance pour que l'affaire en reste là", ajoute l'expert, en raison notamment des départs en vacances. Mais sur le long terme, l'exonération de la police "risque de nourrir un sentiment d'impunité" et "d'ancrer l'image de droite dans le gouvernement", avertit-il.
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