Quelque 35,4 millions de téléspectateurs sur France TV tout au long des trois semaines (progression d'1,4 million par rapport à 2018, pire année depuis une décennie), des pics à sept millions en haut du Tourmalet et pour l'arrivée à Valloire. Un site internet officiel qui bat lui aussi des records sur l'étape suivante, en attirant 4,5 millions de visiteurs, dont un demi pour la seule Colombie, en fusion pendant la troisième semaine pour voir son jeune héros Egan Bernal lui apporter la première victoire de la nation sur le Tour.
Mais surtout, des bords de route pleins, noirs de monde dans certaines ascensions. Et un enthousiasme qui a clairement pris le dessus sur les rares sifflets suspicieux adressés aux coureurs de l'équipe Ineos, qui cristallisaient beaucoup plus de colère quand leur leader Chris Froome était de la partie. Bref, le cru 2019 a plu.
De plus en plus de messages de remerciements ont fleuri sur le parcours, des "merci Julian", "courage Bardet" et "bravo Thibaut" qui ont témoigné, avant même les dernières étapes, d'une passion bien réelle des suiveurs.
"Tout le monde a rêvé"
"J'ai l'impression que le Tour a renoué avec un public d'amateurs de vélo, de connaisseurs qui jusque-là ne voulaient pas faire 150 kilomètres pour aller assister à une course souvent ennuyeuse. Cette année, les gens sont venus pour voir les Français, mais en même temps pour leur dire merci", estime Bernard Thévenet, le vainqueur des Tours 1975 et 1977.
Ils sont nombreux à attribuer à Julian Alaphilippe l'essentiel de cet enthousiasme. "Grâce à lui, tout le monde a rêvé jusqu'aux derniers jours. Il a écrit l'histoire, non pas par ses 14 jours en jaune, mais par son caractère", s'extasie Andy Schleck, vainqueur en 2010. "Il ne fait pas rêver uniquement les Français, mais tout le monde. On peut tous s'identifier à lui."
Même Dave Brailsford, le puissant patron de l'équipe Ineos, se dit séduit. "C'est le Tour le plus enthousiasmant auquel j'aie pris part. (...) Bravo à Julian Alaphilippe pour avoir permis à chacun de remettre en question ce qu'il pensait savoir", lance le Britannique.
"Peut-être qu'en attaquant de partout et en réussissant, il a donné des idées aux autres", poursuit Thévenet, qui s'étonne encore d'avoir vu "des échappées à 40 coureurs" et peine à expliquer pourquoi "d'un seul coup, la mentalité a complètement changé".
"Un Tour à la française"
Le directeur du Tour de France Christian Prudhomme ne peut que se satisfaire du spectacle et du suspense offerts lors de cette 106e édition, "la plus belle" qu'il ait eu à diriger. L'expliquer semble plus compliqué.
L'absence de Chris Froome, l'habituel "patron" du peloton et la "méfiance" qu'il inspire, a pu jouer sur les velléités offensives, avance Thévenet: "Plus personne n'avait peur."
"Le parcours, aussi, y est pour beaucoup", poursuit-il. "La difficulté des premières étapes a redistribué les cartes." Le directeur de course Thierry Gouvenou hésite: "On peut refaire le même parcours dix fois, on n'aura jamais le même scénario. C'est même paradoxal car vu la difficulté de cette édition, on aurait pu avoir de gros écarts très tôt."
Andy Schleck a une autre idée: "Les deux grands leaders (Froome et Tom Dumoulin) n'étaient pas là et je crois que le niveau n'était pas très élevé. Mais c'était très bien car cela a créé du suspense", assume le Luxembourgeois.
Mieux vaut peut-être ne pas se creuser trop la tête, et juste savourer le spectacle de cette édition passionnante, comme l'a fait Raymond Poulidor pendant trois semaines. Pour "Poupou", l'explication est toute simple: "C'était un Tour à la française !"
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