"Paris était mûr pour un grand soulèvement", racontera plus tard Alexandre Parodi, délégué en France du général de Gaulle.
Le 17 août, Chartres et Orléans sont libérés par les Alliés. Il apparaît de plus en plus évident qu'à leur tête l'Américain Dwight D. Eisenhower a décidé de contourner Paris, non de s'en emparer. Les Français vont lui forcer la main.
Entre les deux tendances -- communistes et gaullistes -- qui écartèlent les Forces françaises de l'intérieur (FFI), c'est à qui gagnera l'autre de vitesse.
Les représentants du général de Gaulle - Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi - tentent dans un premier temps de freiner l'impatience des Parisiens. Mais le 18 août, le colonel communiste Henri Rol-Tanguy, chef des FFI d'Ile-de-France, proclame la mobilisation générale.
Le 19, sans attendre l'ordre du gouvernement provisoire d'Alger, Parodi appelle à son tour avec la Résistance parisienne à l'insurrection: "Français, tous au combat !". Chemins de fer, métros sont en grève, la police a cessé le travail. Par petits groupes, les hommes de Rol-Tanguy attaquent soldats et véhicules allemands isolés, d'autres investissent les mairies, commissariats ou bureaux de poste occupés par l'ennemi.
La Gestapo brûle ses dossiers
C'est le début d'une folle semaine. Côté allemand, 16.000 hommes, 80 chars et une soixantaine de canons, sont depuis le 7 août sous le commandement du général Dietrich von Choltitz, installé à l'Hôtel Meurice, rue de Rivoli.
Les combats de rue, parfois sanglants, se multiplient. On voit des femmes, des enfants ou des prêtres s'affairer sur les 600 barricades de fortune érigées dans la capitale avec des véhicules incendiés, plaques d'égouts, ou même des vespasiennes arrachées. Désorganisés, les Allemands sont peu à peu confinés par les FFI en quelques points (Ecole militaire, Luxembourg, etc).
Rue des Saussaies, la Gestapo, qui y a installé ses services centraux, "brûle en hâte ses dossiers, qui ne forment plus que de petits tas fumants sur le trottoir", écrit le correspondant de l'AFP.
Par son inlassable action, le consul général de Suède Raoul Nordling convainc le général von Choltitz d'accepter un cessez-le-feu de trois quarts d'heure le 19 août au soir, reconduit le 20. Cette trève permettra à la Résistance de s'organiser et de prendre possession de l'Hôtel de ville.
Liesse à l'arrivée des chars
Le 22 août, Eisenhower cède et le général Philippe Leclerc, qui commande la 2ème Division blindée, reçoit enfin l'ordre de marcher sur Paris. Le 23, la 2ème DB est en route vers Chartres et Rambouillet, épaulée par la 4ème division d'infanterie américaine.
Le lendemain soir, une foule en liesse accueille à l'Hôtel de ville un détachement blindé commandé par le capitaine Raymond Dronne. Des noms de ville espagnoles sont inscrits sur les chars conduits par des républicains antifranquistes de la 9ème compagnie, dite "Nueve". Venus participer à la libération de la France, les Espagnols de la Nueve, souvent anarchistes, étaient 146 quand ils débarquèrent en Normandie, et moins de vingt à la fin de la guerre.
Au matin du vendredi 25 août, les chars Sherman de Leclerc entrent dans Paris en trois colonnes par le sud et l'ouest, rejoints par les FFI. "Les Français arrivent ! Les voilà ! Ils descendent le boulevard des Invalides", crient des Parisiens cités par l'AFP. "La foule s'avance lentement, le long des murs, profitant de chaque encoignure et de chaque porte cochère, et suit anxieuse le développement de l'attaque", poursuit la dépêche.
A midi, le drapeau français flotte sur la Tour Eiffel où une croix gammée l'a supplanté plus de 1.500 jours durant. Peu à peu, les rumeurs de la bataille s'estompent. Des Allemands hagards, terrorisés, sortent d'un peu partout, mains sur la tête, et s'acheminent sous les injures et les crachats, les coups parfois, vers la captivité.
Von Choltitz capitule
A l'Hôtel Meurice, von Choltitz, qui a auparavant refusé l'ordre d'Hitler de transformer Paris en "un champ de ruines", se rend peu après 14H30. Il signe une heure plus tard avec Leclerc l'acte de capitulation.
Le général de Gaulle, arrivé de Rambouillet, se rend à l'Hôtel de ville où il refuse devant le Conseil national de la Résistance (CNR), de proclamer une République qui, pour lui, "n'a jamais cessé d'exister".
Il rend hommage à "Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !", avant d'enjamber la barre d'appui de la fenêtre pour saluer la foule massée sur l'esplanade.
Au total, la "bataille de Paris" aura coûté la vie à près de 1.000 FFI, 130 soldats de la 2ème DB et environ 600 civils, ainsi qu'à plus de 3.000 soldats allemands.
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