L'an dernier, une mini-forêt d'épicéas a disparu au Parc de la Tête d'Or, un jardin à l'anglaise du milieu du XIXe siècle classé monument historique. Fragilisés par les vagues de chaleur, ils ont été victimes d'une attaque fulgurante de scolytes, coléoptères qui creusent des galeries sous l'écorce et empêchent la sève de circuler.
Aujourd'hui, il n'en reste qu'une plaine vide où les herbes folles ont repris leurs droits. D'autres espèces nordiques comme les hêtres ou les bouleaux ont aussi de plus en plus de mal à survivre à Lyon, où il fera en 2100 au mieux le climat de Madrid, au pire celui d'Alger si rien n'est fait.
Dans ces conditions, les espèces méditerranéennes remontent et Lyon détrônerait presque Valence au titre de porte du Sud. En témoigne les quelques cigales qui chantent désormais sur des boulevards du centre-ville.
l'olivier trop risqué
Au Parc Blandan, qui a ouvert en 2014 sur un ancien fort militaire, les jardiniers ont cherché une végétation capable de s'adapter au climat des décennies à venir.
Des essences du Sud : des genêts, chênes verts, petits érables de Montpellier se mêlent aux peupliers d'origine.
Mais il y a aussi des chênes de Turquie et du Caucase, où les hivers sont froids, les sols calcaires et les étés caniculaires et très secs. "Finalement c'est un peu le climat de Lyon dans quelques années", remarque Frédéric Ségur, responsable du service arbres et paysages de la métropole de Lyon.
Des expérimentations capitales car "on ne peut pas transposer intégralement la palette végétale méditerranéenne" ici, prévient Jean-Marie Rogel, chef du service de gestion du paysage à la ville de Lyon.
Pourquoi ? Le laurier rose par exemple est sensible au gel. L'olivier ? Trop risqué avec la bactérie xylella fastidiosa qui a décimé des milliers d'arbres en Italie et a été détectée en France. Le cyprès ? allergène. Et qui dit pin d'Alep, dit chenilles processionnaires incompatibles avec la présence du public.
Le cèdre du Liban en revanche a la cote. Mais les majestueux spécimens centenaires du parc de la Tête d'or perdent des branches quand il fait chaud l'été. "Un phénomène inexpliqué, peut-être lié au réchauffement mais difficile à appréhender car l'arbre ne présente aucun signe avant-coureur de rupture", témoigne Jean-Marie Rogel.
Il n'y a donc pas de réponse toute faite, l'adaptation au réchauffement "c'est du cas par cas" et la meilleure stratégie aujourd'hui est "de diversifier au maximum et d'expérimenter", martèle-t-il.
12 degrés de moins sous un arbre
La prise de conscience date de 1994 quand le chancre coloré a décimé un millier de platanes à Lyon. Donc à l'avenir on évitera les allées de platanes où une maladie se propage comme une traînée de poudre. Et dans la métropole, on est passé de 150 à 300 espèces différentes.
Avec quelques ratés comme le tulipier de Virginie ou des adaptations insoupçonnées comme le melia des Indes. Le micocoulier de Provence est aussi une valeur sûre et on voit arriver à Lyon l'albizia, un arbre d'Inde avec des pompons roses.
Car l'enjeu avec les arbres c'est aussi de rafraîchir la ville. Avec l'évapotranspiration, on peut ressentir 12 degrés de moins sous un arbre, qu'à quelques mètres à côté. Même si pour créer de l'évapotranspiration, il faut arroser. Une autre équation à régler.
Dans ces conditions, la métropole de Lyon veut encourager la plantation de 300.000 arbres en plus d'ici 2030 et appelle au sursaut de tous. Si chaque copropriété plante trois arbres, ce sera déjà beaucoup, souligne M. Ségur.
"On doit pouvoir traverser la ville de Lyon à l'ombre de nombreux arbres. L'espace public doit s'adapter à la catastrophe climatique", implorait justement EELV Lyon dans un communiqué jeudi où la température a dépassé 39 degrés.
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