Après avoir repoussé à trois reprises la date de clôture pour le dépôt des offres, les juges du tribunal de commerce de Paris, réunis en audience, se sont prononcés pour la liquidation judiciaire immédiate, a constaté une journaliste de l'AFP.
La griffe parisienne de prêt-à-porter, en difficulté depuis le décès de sa créatrice emblématique en 2016, à l'âge de 86 ans, avait demandé en avril son placement en redressement judiciaire.
Au cours des derniers mois, une petite dizaine de repreneurs avaient manifesté leur intérêt pour la marque. Trois offres - sur une partie des activités seulement - sortaient du lot: un dossier emmené par Emmanuel Diemoz, ancien dirigeant de Balmain, une proposition émanant d'un groupe chinois et une autre formulée par des entrepreneurs du secteur immobilier.
Mais tous ont finalement jeté l'éponge, et les juges n'ont donc eu aucune offre à examiner jeudi, selon plusieurs sources concordantes.
"Cela implique le licenciement des 131 salariés", a commenté auprès de l'AFP l'avocat des représentants des salariés, Thomas Hollande, à l'issue de l'audience, alors que plusieurs employés, qui avaient fait le déplacement jusqu'au tribunal, fondaient en larmes à l'annonce de la liquidation.
"A présent, la tâche des représentants des salariés va être de négocier les meilleures conditions de départ possibles", a souligné Me Hollande (fils de l'ancien président français).
"La liquidation va aussi donner lieu à la vente des actifs, dont le principal est la marque, mais aussi le stock et les fonds de commerce. Nous avons demandé à ce qu'une partie de cet argent puisse servir aux salariés", a-t-il ajouté.
En 2018, la griffe de Saint-Germain-des-Prés fondées à la fin des années 1960, a enregistré 35 millions d'euros de ventes, pour une perte nette de 30 millions d'euros. Elle compte actuellement un réseau de six boutiques qu'elle possède en propre, ainsi que quatre "outlets" (magasins de déstockage), et réalise un peu plus de 50% de ses ventes en France.
En 2012, alors qu'elle était à la tête d'une des dernières maisons de mode encore indépendantes en France, la créatrice Sonia Rykiel avait décidé de céder 80% du capital de la société au fonds d'investissement chinois Fung Brands (devenu depuis First Heritage Brands), holding de la famille Fung de Hong Kong, dirigé par le Français Jean-Marc Loubier.
"erreur de positionnement"
Ce fonds - qui possède aussi la marque belge de maroquinerie de luxe Delvaux et le chausseur Clergerie - était monté à 100% du capital début 2016.
En sept ans, quelque 200 millions d'euros ont été investis dans la marque Sonia Rykiel par ses actionnaires.
"Pour les salariés, c'est tellement triste de finir comme ça. Surtout que ceux qui sont encore là ont voulu rester malgré le premier PSE (plan social, ndlr) en 2016. On est attachés à cette maison, surtout qu'au début c'était une société familiale", a réagi auprès de l'AFP une employée comptant 29 ans d'ancienneté dans la maison.
Assise avec deux autres collègues - comptant 18 et 19 ans de maison - sur un banc devant la salle d'audience, elles avaient tenu à être présentes pour le jugement.
"Le décès de Sonia Rykiel a précipité les choses, même si la société n'allait déjà pas bien", confie à l'AFP l'une d'entre elles, sous couvert d'anonymat, rappelant qu'à l'apogée de son succès, la marque comptait plus de 400 salariés et 30 boutiques.
"Le problème c'est qu'ensuite, les nouveaux propriétaires n'ont pas gardé les codes et les bases de la maison, comme la maille et les rayures, ils ont dilué ce qui faisait l'identité de la marque et se sont lancés dans une course au luxe alors qu'on faisait du prêt-à-porter, il y a eu une erreur de positionnement, le produit n'a pas suivi", ajoute sa collègue.
Fondée à la fin des années 1960, le "style" Sonia Rykiel - elle-même fine silhouette vêtue de noir à la chevelure rousse flamboyante - s'inscrivait dans le mouvement de libération du corps féminin, mélangeant petits pulls moulants, rayures colorées et liberté audacieuse.
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