Champion d'Europe et du monde de jet-ski, ce Marseillais de 40 ans devrait prendre une vingtaine de minutes pour franchir le détroit de 35 km et rallier les côtes anglaises dans la zone de St Margaret's Bay, en volant à environ 140 km/h et à 15 ou 20 mètres au-dessus de l'eau. Il doit se poser sur un bateau pour se ravitailler en kérosène après 18 km.
Vers 9h05, debout sur une sorte de plateforme, les pieds solidement coincés comme dans des chaussures de snowboard, il a décollé à la verticale, dans un vrombissement assourdissant, d'un parking proche de la plage de Sangatte-Blériot-Plage, devant plusieurs dizaines de curieux qui ont applaudi et une importante équipe de production.
Dans sa combinaison noire et rouge, le visage dissimulé derrière la visière de son casque noir, il a survolé la digue puis disparu en quelques secondes à l'horizon, au dessus de la mer -où naviguaient au loin quelques voiliers-, se dirigeant grâce à un joystick tenu dans une main.
Des bateaux doivent le suivre jusqu'à son atterrissage près de Douvres. Il doit revenir en France pour une conférence de presse à 14h00.
Entouré de son équipe, il a préalablement reconnu les lieux ; un couloir était interdit d'accès au public et à la presse, réservé à son équipe de tournage qui le filme notamment par hélicoptère.
Le "Flyboard", une machine volante autonome alimentée en kérosène stocké dans son sac à dos, est doté de cinq mini-turboréacteurs qui lui permettent de décoller et d'évoluer jusqu'à 190 km/h debout dans les airs, avec une autonomie d'une dizaine de minutes.
Pour cette traversée de la Manche, large de quelque 35 km, il devra donc se ravitailler en route côté anglais, à 18 km des côtes françaises, en se posant sur un bateau pour changer de sac à dos.
Franky Zapata a en effet dû revoir la logistique après "l'avis défavorable" émis début juillet par les autorités françaises qui pointaient notamment la "dangerosité" de la zone et son trafic particulièrement dense. Elle l'a finalement levé mardi soir après avoir obtenu de "nombreuses garanties" concernant la "sécurité".
"Challenge physique et technique"
"Traverser la Manche est un challenge physique et technique que nous préparons depuis six mois. Il a fallu notamment repousser les limites de consommation de la machine", a déclaré M. Zapata mercredi lors d'essais sur le littoral, fier d'avoir "créé une nouvelle manière de voler".
Le 14 juillet, lors du défilé militaire sur les Champs-Elysées, Franky Zapata avait offert un épatant spectacle futuriste: fusil en main, il avait volé à plusieurs dizaines de mètres du sol sur son invention, "100% développée en France" au Rove (Bouches-du-Rhône).
En 2017 pourtant, il avait été cloué au sol plusieurs mois par les autorités, faute de d'avoir respecté les règles de sécurité et d'homologation.
Depuis, son invention a été exhibée fin 2018 au Forum Innovation Défense de Paris: lors d'une démonstration des forces spéciales, le Flyboard Air avait été utilisé comme plateforme pour un tireur d'élite positionné en appui de commandos partis à l'assaut depuis des embarcations sur la Seine.
Cette plateforme volante propulsée par cinq réacteurs à jet d'air intéresse les forces spéciales françaises, qui y voient du "potentiel pour un emploi dans les opérations spéciales en zone urbaine".
Avant de créer son "Flyboard Air", M. Zapata "volait" déjà sur l'eau avec son premier Flyboard aquatique. La planche était alors "propulsée au-dessus d'un plan d'eau par le jet de la turbine d'une moto marine".
En 1909, l'exploit de Louis Blériot avait jeté les bases de l'aéronautique moderne. Parti à 04H41 le 25 juillet du hameau des Baraques à Sangatte (rebaptisé Blériot-Plage en 1936), il avait posé son aéroplane à 05H18 dans une prairie, au pied du château-fort qui domine le port de Douvres, après avoir couvert en 37 minutes les 43 km à la vitesse moyenne de 65 km/h.
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