Une amende record de 5 milliards de dollars, un comité indépendant pour contrôler la protection de la vie privée, et l'engagement de la responsabilité personnelle de Mark Zuckerberg: les sanctions imposées par l'agence américaine de protection des consommateurs (FTC) au premier réseau social du monde vont bien au-delà des pénalités précédentes.
C'est une amende "historique", la plus importante jamais imposée pour violation de la vie privée des consommateurs, d'après un communiqué publié mercredi par la FTC, qui accuse le puissant réseau social d'avoir "trompé" ses utilisateurs sur leur capacité à contrôler leurs informations personnelles.
L'accord "est conçu non seulement pour punir d'éventuelles violations futures, mais aussi, et surtout, pour changer entièrement la culture de Facebook sur la vie privée", affirme la FTC.
"Personnellement responsable"
"Facebook a systématiquement échoué à se mettre en conformité", a déclaré Joseph Simons, président de la FTC, sur la chaîne CNBC. "C'est pour cette raison que nous leur imposons une approche de type +ceintures et bretelles+, avec de multiples outils de mise en conformité qui se superposent les uns aux autres".
Le groupe devra vérifier que tout nouveau produit ou service remplit les critères de respect de la vie privée avant d'entrer en fonction, y compris pour Instagram ou ses messageries WhatsApp et Messenger.
Mark Zuckerberg, fondateur et président de l'entreprise tentaculaire, a dû accepter de céder une petite partie de son contrôle absolu avec la mise en place d'un comité indépendant sur la protection de la vie privée, dont les membres "ne peuvent être licenciés que par une majorité des membres du conseil d'administration de Facebook", précise le régulateur.
"La décision l'oblige à garantir personnellement, tous les trimestres, que la société s'est conformée à l'accord", explique M. Simons, faute de quoi il s'exposerait à des sanctions au civil et au pénal".
"Cet accord va nécessiter un changement fondamental dans notre façon de travailler. Le degré de responsabilité mis en place par cet accord va plus loin que la loi américaine", a réagi Facebook dans un communiqué. " Nous espérons que ce sera un modèle pour tout le secteur".
"Trop peu, trop tard"
Mais la décision de la FTC a été fraîchement accueillie. Deux de ses membres et de nombreux responsables politiques et associations la considèrent comme insuffisante, voire inefficace.
"Les infractions flagrantes de Facebook sont la conséquence directe de leur modèle économique fondé sur la surveillance de masse et la manipulation. Cette action vient bénir ce modèle. Cet accord ne résout pas le problème", a tweeté Rohit Chopra, membre démocrate de la FTC, qui a voté contre l'accord avec son autre collègue démocrate.
"Cette décision n'oblige pas Facebook à changer fondamentalement sa façon de collecter et d'utiliser nos données", affirme également Charlotte Slaiman, pour l'association "Public Knowledge".
Facebook a par ailleurs accepté de payer 100 millions de dollars d'amende dans le cadre d'un accord avec le régulateur boursier pour déclarations trompeuses.
L'enquête de la FTC avait été ouverte après les révélations en mars 2018 de fuites massives vers la firme britannique Cambridge Analytica, qui travaillait pour la campagne de Donald Trump en 2016 et a détourné les données personnelles de dizaines de millions d'utilisateurs dans le monde.
Concurrence réduite
Même si l'amende record n'affectera pas vraiment la santé financière de Facebook --qui a réalisé 22 milliards de dollars de bénéfice en 2018--, cette décision signale un mouvement généralisé des autorités fédérales américaines pour endiguer l'expansion des géants de l'internet.
Ces derniers ont acquis au fil des années un contrôle colossal sur la vie quotidienne des citoyens.
Avec Google, Amazon et sans doute d'autres sociétés riches en données d'utilisateurs comme Twitter ou Apple, Facebook va maintenant faire face à une enquête menacée par le ministère américain de la Justice pour déterminer si les géants des réseaux sociaux, des moteurs de recherche et du commerce en ligne sont devenus trop puissants.
Les autorités veulent déterminer comment ces entreprises sont parvenues à devenir aussi incontournables sur leur marché et si elles ont eu recours à des pratiques "ayant réduit la concurrence, empêché l'innovation ou affecté les consommateurs".
Mais les analystes doutent à ce stade que cette enquête ne conduise à des démantèlements.
"Je ne pense pas que les Etats-Unis soient sérieusement enclins à démembrer ces sociétés, parce qu'ils ont encore plus peur que les entreprises chinoises ne deviennent encore plus grosses", a relevé Patrick Moorhead, fondateur du cabinet Moor Insights & Strategy.
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