"Il y a toujours ce cliché de la femme qui +fait un bébé toute seule+, sur le mode: +tu n'avais qu'à y penser avant+, comme si c'était un choix", déplore-t-elle. Pressée par l'implacable horloge biologique, Isabelle n'a pas attendu que la France légalise la PMA pour les célibataires --le projet de loi de bioéthique, présenté mercredi en conseil des ministres, prévoit d'autoriser la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires.
Il y a un an, Isabelle s'est lancée dans le parcours coûteux et douloureux, et surtout illégal en France, de la congélation d'ovocytes. La jeune femme, journaliste spécialiste de la santé, a eu un déclic à 35 ans, l'âge à partir duquel la fertilité commence à chuter rapidement.
Fille unique, elle assure avoir "toujours voulu des enfants". Elle pensait rencontrer un homme "que j'aimerais et avec qui j'aurais trois enfants". Finalement, Isabelle n'aura pas l'occasion d'être en couple assez longtemps, ou avec la bonne personne, pour envisager une grossesse.
Très vite, elle balaie l'option de l'adoption: "Les femmes célibataires n'ont presque aucune chance d'adopter, ou alors des enfants grands et souvent handicapés, je trouve ça dur pour une femme seule".
Deux ans après son premier déclic, l'expérience d'une amie dans la même situation qui a congelé ses ovocytes la pousse à franchir la porte d'une clinique espagnole, à Barcelone.
- Médecins français complices -
Elle découvre une clinique très accueillante, où "tout le monde parle français". Une gynécologue lui prescrit des bilans sanguins et des échographies à réaliser en France, ainsi qu'une ordonnance pour des piqûres.
Une ordonnance valable dans les pharmacies françaises, mais qui n'ouvre pas droit au remboursement... Grâce à de "bons contacts" que se transmettent les célibataires dans son cas, Isabelle rencontre un gynécologue français qui accepte de copier l'ordonnance espagnole en ordonnance valide pour la sécurité sociale.
"La plupart des gynécologues disent que c'est interdit et refusent, mais certains ont le même discours que les pro-IVG quand c'était interdit, et préfèrent t'aider par militantisme", raconte-t-elle. D'autres femmes, témoigne-t-elle, tombent sur des médecins qui leur demandent en échange de l'ordonnance 150 euros en liquide.
L'illégalité de la démarche complique aussi le suivi médical de la candidate à la congélation ou à la PMA. Pendant deux semaines, à partir du premier jour de ses règles, Isabelle doit effectuer quatre prises de sang et trois échographies et se faire elle-même les piqûres hormonales. "Un vrai casse-tête quand on travaille", alors que dans le cadre d'une PMA légale, elle aurait bénéficié de congés payés pour réaliser ces nombreux examens.
Le dernier jour, "j'avais l'impression d'avoir des boules de pétanque dans le ventre, des nausées la moitié du temps...", se souvient-elle. Lorsqu'elle a des questions, des douleurs, elle tente de joindre la gynécologue espagnole, qui la rappelle souvent des heures plus tard.
Au 15e jour après ses règles, l'échographie montre que les ovocytes ont suffisamment grossi: Isabelle saute dans le premier avion pour Barcelone.
Au réveil de l'opération pendant laquelle on lui ponctionne les ovocytes, son moral retombe: "J'ai été déçue par la quantité: 8 ovocytes, de quoi faire à peine plus qu'une FIV".
Isabelle garde un goût amer de cette expérience: une procédure médicale lourde, pour laquelle elle aurait préféré être suivie en France, et qui lui a coûté 3.000 euros.
"Pourquoi la congélation d'ovocytes est-elle réservée aux femmes malades en France (ndlr: d'un cancer ou d'endométriose par exemple) alors que la congélation de sperme est autorisée?", s'interroge-t-elle.
De son séjour en Espagne, elle n'a pas ramené de bébé, juste une photo de ses "oeufs". Avec, dans un coin de la tête, la possibilité de s'en servir un jour.
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