En France, quelque 340.000 mineurs font l'objet d'une mesure de protection. Un peu plus de la moitié sont placés en foyer ou famille d'accueil.
A leur majorité, beaucoup n'ont aucun diplôme. Le risque d'exclusion est grand: un SDF sur quatre de 18 à 25 ans est un ancien de l'ASE, l'Aide sociale à l'enfance, selon la Fondation Abbé Pierre.
"A 18 ans, on ne pense pas à trouver un logement, se faire à manger ou payer des impôts", explique à l'AFP Sonia, 37 ans, qui en veut toujours à l'ASE, un service départemental. Après plusieurs années dans une famille d'accueil "maltraitante", elle atterrit en foyer. La Grenobloise "rêve de devenir éducatrice spécialisée", mais ses éducateurs lui font comprendre qu'elle doit être autonome.
"J'avais les capacités de réussir, j'étais la meilleure de ma classe", assure-t-elle. Comme 40% des enfants placés, elle passe un CAP. A 17 ans, on l'installe dans un appartement pour apprendre à se débrouiller seule.
A sa majorité, elle obtient un contrat jeune majeur. "Une chance" pour elle, qui souhaite poursuivre des études. Délivrée par les départements, cette aide financière permet aux ex-enfants placés ayant "un projet professionnel sur le court terme" d'être pris en charge, au mieux jusqu'à 21 ans.
"Forcé de grandir trop vite"
Barry, 19 ans, bénéficie lui aussi de ce contrat. "Mais il va s'arrêter avant mes 21 ans", regrette-t-il. Ce jeune Afghan vient en effet de terminer son brevet professionnel en alternance, ce qui signe la fin de cet accompagnement. Il va devoir quitter sa petite chambre étudiante, fournie par son foyer, et trouver un logement avant la fin de l'été.
"Ils me disent que je suis prêt à partir, je ne comprends pas trop pourquoi", s'interroge Barry, arrivé en France en 2012. Le jeune homme a dit au revoir à ses rêves: "Je voulais devenir aide-soignant. On m'a dit que l'ASE n'avait pas assez d'argent..."
Installé dans un logement indépendant dès 16 ans, Barry a l'impression d'avoir été "forcé de grandir trop vite, sans profiter de (sa) jeunesse". Pour lui, les enfants placés ont "moins de chances de réussir que les autres".
Conscient des limites du système actuel, le secrétaire d'Etat chargé de la Protection de l'enfance, Adrien Taquet, a affiché sa volonté de "développer un accompagnement" des ex-enfants placés et de leur garantir "un logement au-delà des 18 ans", lors d'assises nationales organisées début juillet à Marseille. Des préconisations ont été remises fin juin au gouvernement: parmi elles figure l'obligation de proposer le contrat jeune majeur pour éviter les "sorties sèches" dès la majorité.
Mais "tout est une question d'argent", relève Charles, 18 ans, tout juste sorti de l'ASE. Lui qui voulait "être indépendant rapidement" n'a pas demandé le contrat. Aujourd'hui membre d'une association d'aide aux jeunes majeurs, ce Parisien soutient que le budget pour la protection de l'enfance est "mal réparti" et que les "départements devraient faire en sorte que tous les jeunes aient droit à ce contrat" s'ils en expriment le besoin.
Charles fait partie des rares enfants placés ayant passé un bac général. "J'ai eu de la chance d'avoir été placé tard, à 15 ans", estime-t-il. A la rentrée, il s'assoira sur les bancs de l'université pour étudier l'"anglais, mineure économie".
Le bac, Sonia avait pu le présenter en "candidat libre". Elle en est convaincue: pour aider les jeunes majeurs et leur éviter la rue, il faut du temps et la certitude de pouvoir "les accompagner jusqu'au bout de leurs études. Parfois, quelques années en plus suffisent".
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