"L'excellence nous porte vers le haut. C'est pour cela que nous avons souhaité avoir sept cols et trois arrivées au-delà de 2.000 mètres (Tourmalet, Tignes, Val Thorens).
Voilà comment le directeur du Tour Christian Prudhomme résume ce choix, assumé, de faire évoluer le peloton à des hauteurs rares.
Le chef de l'Etat suivra d'ailleurs l'étape avec lui en tête de la course alors que le Français Julian Alaphilippe a conservé le maillot jaune en remportant vendredi le contre-la-montre de Pau.
Le patron de la Grande Boucle défend l'idée que beaucoup accréditent, que les champions n'ont pas forcément les mêmes performances au-delà de 2.000 mètres, qu'il y a une part d'aléatoire à ces hauteurs.
Une part d'aléatoire qui dépend de la manière dont le corps de chaque athlète va réagir aux éléments. "Plus on monte, plus la pression barométrique diminue", détaille Frédéric Grappe, le directeur de la performance chez Groupama-FDJ. "En plein effort, le corps a plus de mal à capter l'oxygène lorsqu'il est en altitude, ce qui influe directement sur ses capacités physiques", résume son homologue d'AG2R La Mondiale Jean-Baptiste Quiclet.
Tous deux l'affirment: des facteurs génétiques influent sur l'effet de l'altitude sur l'organisme. Certains y réagissent mieux que d'autres, comme Thibaut Pinot. "C'est une chance", avoue le coureur. "Tant mieux si cela peut créer de la fatigue chez l'adversaire".
Facteurs génétiques
L'avantage génétique, s'il existe, peut être réduit. Car l'altitude, ça se travaille. "En recréant l'univers de la haute montagne", précise Frédéric Grappe. Certains coureurs font des sessions d'entraînement dans des "chambres hypoxiques", des endroits étanches où la quantité d'oxygène est réduite pour simuler l'effet de l'altitude. Bien que rares, "elles se démocratisent", assure Jean-Baptiste Quiclet, qui s'appuie régulièrement sur les installations du centre national de ski nordique de Prémanon (Jura).
Plus faciles d'accès et basées sur le même principe, des "tentes hypoxiques", utilisées non pas pour l'entraînement mais pour le sommeil, sont plus répandues mais "pas révolutionnaires". "Il faudrait y passer entre 12 et 15 heures par jour sur plusieurs jours pour en voir les effets", estime Frédéric Grappe.
Reste évidemment le stage en haute montagne. "On s'est rendu compte avec le temps qu'en restant de manière constante en altitude, l'organisme se mettait à développer des mécanismes physiologiques permettant de compenser le déficit en oxygène", affirme Jean-Baptiste Quiclet.
Plébiscité par les équipes, ce genre de stage doit toutefois respecter de nombreux critères pour être bénéfique. Sa durée? Deux semaines au minimum, trois dans l'idéal, pas plus car cela devient "trop fatiguant", s'accordent les spécialistes.
Les précautions à prendre? Effectuer un bilan biologique complet, six à huit semaines avant de partir. "S'il n'est pas excellent, vous pouvez finir cramé et le stage aura été néfaste". Et sur place, adapter l'entraînement, l'alimentation, manger plus de protéines, s'hydrater plus, pour limiter le risque de surmenage, de maladie, plus fort en altitude.
Passage obligé
Là encore les résultats ne sont pas garantis. Difficiles à mesurer car les effets de court terme s'estompent rapidement. Mais souvent utiles à long terme car "l'organisme garde en mémoire des réflexes, qui reviennent plus vite lorsque vous y retournez", précise le directeur performance de Groupama-FDJ, dont les coureurs ont passé 17 jours fin janvier près du volcan Teide, à Tenerife, où l'équipe Sky (aujourd'hui Ineos) a depuis longtemps ses habitudes.
"J'en avais énormément ressenti les bienfaits", se satisfait le jeune grimpeur de l'équipe David Gaudu. "Je me sentais plus fort, capable de mieux récupérer de mes efforts, de mieux respirer".
Depuis 2014 et sa première expérience en altitude, le leader de l'équipe AG2R, Romain Bardet, effectue deux à trois expériences comparables par an. La dernière en date: en mai en Sierra Nevada à plus de 2400 mètres. "Il a toujours été à l'aise, mais la multiplicité des expositions l'a bonifié", assure le directeur performance de l'équipe française.
Pour gagner le Tour, la préparation dans les hauteurs semble être un passage obligé. "Il y a cinq ans, ils ne devaient être que cinq du top 20 à y aller. On en a mesuré les effets", conclut Jean-Baptiste Quiclet. "Aujourd'hui, tu ne peux pas envisager de préparer un grand tour sans passer par là."
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