Au milieu d'un impressionnant dispositif policier, de très nombreux manifestants, certains vêtus des maillots de l'équipe nationale, ont défilé dans les rues du coeur d'Alger, comme chaque vendredi depuis le début du mouvement inédit de contestation le 22 février.
La mobilisation, difficile à estimer en l'absence de comptage officiel, semblait similaire aux semaines précédentes, malgré un soleil de plomb, selon des journalistes de l'AFP.
Une file ininterrompue de véhicules de police occupait chaque côté de l'un des principaux axes de la capitale emprunté par le cortège, réduisant sérieusement, comme les semaines précédentes, la place disponible pour les manifestants, mais les journalistes de l'AFP n'ont vu dans la matinée aucune arrestation, devenues coutumières ces dernières semaines.
"Deux fois la fête"
Vendredi après-midi, "on a un match contre la +issaba+ (le "gang", nom donné par les manifestants aux dirigeants algériens, ndlr) et le soir contre le Sénégal", en finale de la CAN-2019, "on gagnera les deux matchs inch'allah" (si Dieu le veut, ndlr), déclare à l'AFP Amar, retraité de 71 ans.
Il arbore pancarte qui dit en arabe: "Aujourd'hui on fera deux fois la fête. La Coupe, on va la gagner et la +issaba+, on va la dégager".
Dans la matinée, plusieurs bus des transports publics étaient disponibles dans le centre-ville pour emmener gratuitement les supporteurs au grand Stade du 5-Juillet, où la finale sera retransmise sur un écran géant, à partir de 20H00 locales (19H00 GMT).
Un journaliste a vu trois bus partir vers le Stade avant que la rue soit envahie par les manifestants et la circulation interrompue.
Les autorités algériennes et l'armée ont également organisé un "pont aérien" de 28 vols spéciaux qui ont emmené plus de 4.500 supporteurs vers le Caire pour assister au match.
Mais toute la semaine, sur les réseaux sociaux, les protestataires ont dénoncé une manoeuvre du pouvoir et rappelé que remporter la Coupe d'Afrique n'était qu'un objectif secondaire.
L'objectif principal, ont-ils souligné, reste de faire aboutir la revendication qu'ils martèlent sans interruption depuis près de cinq mois: le départ de tous les dirigeants ayant participé aux 20 ans de présidence d'Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission le 2 avril par ce mouvement inédit de contestation.
"L'équipe nationale nous procure beaucoup de joie et de fierté, mais on n'oublie pas l'essentiel: le départ de toutes les figures du système" au pouvoir, redit, dans le cortège, Amina, quinquagénaire et fonctionnaire dans une mairie.
"Pour ce peuple-là"
Certains manifestants reconnaissaient néanmoins que l'ambiance de la manifestation de vendredi sera différente: "Personnellement, ma tête est au Caire, je suis ici pour me chauffer avant le match", reconnait Samir, étudiant de 22 ans.
Mais, le "Hirak" (mouvement de contestation) algérien a en partie pris racine dans les stades de football, un des rares espaces publics de contestation du pouvoir en Algérie, et le stade du Caire pourrait à son tour résonner des chants de ses militants, désireux de profiter de la tribune internationale offerte par la finale.
Pour certains observateurs, le "Hirak" a transcendé une équipe d'Algérie à la peine ces dernières années et qui n'était pas attendue à ce stade de la compétition.
Du côté des joueurs, "on est conscient de ce qui se passe" en Algérie, a expliqué jeudi le milieu de terrain Adlène Guedioura lors d'une conférence de presse au Caire, "le peuple que l'on représente a toujours montré des très belles choses, mais ces derniers temps, c'est magnifique ce qu'il se passe".
"Bien sûr qu'on a envie de montrer de belles choses et de gagner cette finale pour ce peuple-là", a-t-il ajouté.
Des manifestations se sont également déroulées vendredi dans de nombreuses autres villes d'Algérie, selon les sites d'information algériens et les réseaux sociaux.
En fin d'après-midi le cortège algérois a commencé à se disperser dans le calme. Une partie des manifestants a pris la direction des fanzones. Avant de prévoir de sortir à nouveau dans les rues en cas de victoire.
"Je vais (...) regarder le match, ensuite on fêtera la victoire, inch'allah, jusqu'au matin", lance Ahmed, la trentaine, agent de sécurité.
Sur les réseaux sociaux, circule une photo montrant une jeune femme portant une pancarte sur laquelle est écrit: "On gagnera la Coupe, vous perdrez le pouvoir".
A LIRE AUSSI.
Algérie: la contestation pas dupe des manœuvres du pouvoir autour de la CAN
Après la fête du foot, les Algériens retournent dans la rue contre le régime
CAN-2019: Sénégal-Algérie, des décennies d'attente pour une finale de rêve
Algérie: 18e vendredi de manifestation malgré le ton martial de l'armée
Algérie: nouvelle forte mobilisation, hommage à un militant mort en prison
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.