Galvanisée par Donald Trump, la foule conspue Ilhan Omar, fille de réfugiés somaliens élue au Congrès en 2018. Le ton de la campagne est donné. Elle sera agressive, toxique. Le 45e président américain entend creuser les fractures de l'Amérique pour être réélu en 2020.
A 473 jours de l'élection, le meeting "Make America Great Again" de Greenville, en Caroline du Nord, a peut-être marqué un tournant mercredi soir.
Dans une ambiance électrique, le milliardaire septuagénaire a multiplié les propos incendiaires.
Debout derrière un podium portant le sceau présidentiel, il n'a, à aucun moment, essayé de raisonner ou de calmer la foule, semblant au contraire savourer ce nouveau slogan qui pourrait remplacer les "Enfermez-la!", scandés en 2016 à l'attention de la candidate démocrate Hillary Clinton.
Pointes ironiques à l'appui, il a égrené les noms des quatre élues démocrates issues de minorités auxquelles il avait conseillé, dans un tweet qui a consterné une grande partie de l'Amérique, de "retourner" dans leur pays d'origine.
S'il veut, comme il le répète régulièrement, rester à la Maison Blanche quatre ans de plus, Donald Trump devra rééditer l'exploit de 2016 où l'avait emporté sur le fil dans trois Etats-clés: Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin.
Après deux années et demi chaotiques, il aurait pu, comme l'espéraient certaines voix conservatrices, opter pour une forme de présidentialisation. Il a fait le choix inverse: souffler sur les braises des tensions raciales pour s'assurer le soutien de son socle électoral, très majoritairement blanc.
"Il a besoin que son électorat de 2016 se mobilise, de toutes les voix sans exception. Il pense que c'est la bonne stratégie pour les électriser", résume Wendy Schiller, qui enseigne les sciences politiques à Brown University.
"Le risque est qu'il mobilise sa base électorale mais, ce faisant, mobilise aussi avec force la base électorale démocrate".
Pour l'heure, Donald Trump fonce. Et durcit chaque jour un peu plus sa rhétorique, répétant à l'envie sa nouvelle ligne d'attaque: "Ils n'aiment pas notre pays. Vous savez quoi? S'ils ne l'aiment pas, dites-leur de le quitter!"
"Voter pour un démocrate en 2020, quel qu'il soit, c'est voter pour la montée en puissance du socialisme radical, la destruction du rêve américain, et, pour le dire clairement, la destruction de notre pays", a-t-il conclu mercredi soir, des propos peu communs dans la bouche d'un président américain.
"Ignoble, lâche"
La séquence a suscité l'indignation dans le camp démocrate.
"C'est ignoble. C'est lâche. C'est xénophobe. C'est raciste. Cela souille la fonction présidentielle", a réagi la sénatrice démocrate Kamala Harris, candidate à la succession de Donald Trump.
"Monsieur le président, ceci est NOTRE pays: les Etats-Unis d'Amérique. Vous ne comprendrez jamais ce qui fait notre force. Et c'est la raison pour laquelle les Américains ne vous rééliront pas l'année prochaine", a lancé Joe Biden, lui aussi en lice pour 2020.
Reste la question de l'attitude du Parti républicain.
La réaction est, pour l'heure, la même qu'à chaque polémique aux accents xénophobes déclenchée par l'ancien homme d'affaires de New York: quelques voix s'élèvent pour exprimer leur indignation, mais les ténors du parti font bloc, minimisant les propos ou faisant mine de regarder ailleurs.
Jeudi matin, un élu modéré du Grand Old Party a fait entendre sa différence: Adam Kinzinger.
"Je suis en désaccord profond avec l'extrême gauche et j'ai été écoeuré par leur ton", a tweeté le jeune élu de l'Illinois. "Mais je me suis réveillé ce matin écoeuré: les slogans +Renvoyez-la!" sont répugnants et feraient trembler nos pères fondateurs".
Une autre voix, celle d'Anthony Scaramucci, qui fut éphémère directeur de la communication de la Maison Blanche, s'est faite entendre.
Jugeant les tweets présidentiels "racistes et inacceptables", il a mis en garde le locataire de la Maison Blanche.
"Le président doit comprendre que s'il continue dans cette voie, un bloc d'électeurs va se détacher à la manière d'un iceberg qui se brise et s'éloigne".
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