La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire était saisie pour avis par deux conseils de prud'hommes après le refus de plusieurs autres d'appliquer le barème d'indemnisation, décrié par les syndicats et salué par le patronat.
Dans son avis, la Cour estime que ce barème est "compatible avec l'article 10 de la Convention n°158 de l'Organisation internationale du travail" (OIT), qui demande "le versement d'une indemnité adéquate" en cas de licenciement abusif.
Pour la Cour, "le terme +adéquat+ doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation".
La Cour estime par ailleurs que la Charte sociale européenne, autre texte invoqué, "n'a pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers" et que le barème "n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme" sur le droit à un procès équitable.
Depuis les ordonnances réformant le code du travail fin 2017, ces dommages et intérêts sont plafonnés entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l'ancienneté. Par exemple, ce plafond est de dix mois pour dix ans d'ancienneté.
A partir de deux ans d'ancienneté s'applique un plancher minimal de trois mois qui peut être plus faible dans les entreprises de moins de onze salariés. Auparavant, ce seuil était de six mois et les juges n'étaient pas tenus par un plafond. Dans les faits, ils allaient jusqu'à 30 mois de salaire pour 30 ans d'ancienneté.
Le barème n'est pas appliqué en cas de licenciement nul (harcèlement moral ou sexuel, discrimination, etc.).
En dépit de sa validation par le Conseil constitutionnel en mars 2018, plusieurs conseils de prud'hommes (près d'une vingtaine selon un syndicat d'avocats, notamment à Troyes, Amiens, Grenoble et Lyon) ont, depuis plusieurs mois, refusé d'appliquer le barème au motif qu'il serait contraire aux engagements internationaux de la France.
Pour y voir plus clair, les conseils de Louviers (Eure) et de Toulouse avaient donc saisi la Cour de cassation afin d'avoir un avis en général, sans attendre un pourvoi sur cette question, sur un cas concret.
"Très grande autorité morale"
Cet avis devrait fortement influencer les prochains jugements, notamment les deux premières décisions de cours d'appel, attendues le 25 septembre, l'une à Paris, l'autre à Reims.
"Cet avis collégial de la Cour va avoir une très grande autorité morale. Il sera très difficile pour une cour d'appel d'ignorer un tel avis", reconnaît Me Antoine Lyon-Caen, intervenu au nom de la CFE-CGC, qui ne désespère cependant pas qu'à l'avenir la Cour de cassation se prononce différemment "sur un cas particulier d'application du barème".
La ministre du Travail Muriel Pénicaud avait défendu la mise en place d'un tel barème comme devant permettre de lever l'incertitude pour l'employeur du coût d'une rupture potentielle, qui était selon elle "un frein à l'embauche" en CDI.
A l'inverse, les syndicats dénonçaient un barème qui "sécurise l'employeur fautif" avec un plafond trop bas, surtout pour les salariés ayant peu d'ancienneté. La CGT a dénoncé mercredi dans un communiqué "une validation aberrante des barèmes Macron par la Cour de Cassation".
La baisse continue du nombre de contentieux prud'homaux depuis 20 ans devrait se poursuivre, du fait de cet avis.
Selon un rapport sénatorial publié mardi, le nombre de contentieux a diminué de 45% depuis 2005, conséquence "de la baisse du nombre de licenciements et du recours croissant à la rupture conventionnelle".
Pour autant, les délais moyens de jugement en première instance "ne se sont pas réduits" et dépassent 16 mois, voire plus de 30 lorsqu'un juge départiteur doit intervenir. Avec en outre, deux tiers de jugements frappés d'appel.
La faute, selon ce rapport, au fait qu'il ne reste plus devant les prud'hommes que les affaires les plus complexes, mais également à un défaut de professionnalisme des conseillers prud'homaux, désignés paritairement par les organisations syndicales et patronales.
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