"On est tous un peu toujours sous surveillance, c'est sûr. C'est un pays compliqué et le contexte en ce moment est aussi compliqué" : le directeur de thèse de Mme Adelkhah, l'anthropologue et directeur de recherche émérite au CNRS Jean-Pierre Digard, joint par l'AFP, avoue "sa stupeur" et son "désarroi" à l'annonce de son arrestation.
"En tant que chercheuse, elle est respectée, reconnue. Elle fait des recherches de terrain et publie, comme font tous les bons chercheurs", insiste-t-il en évoquant les nombreux ouvrages de Fariba Adelkhah.
Arrivée en France en 1977 pour y suivre des études, et non comme réfugiée politique après la chute du Shah, Mme Adelkhah, docteure en anthropologie de 60 ans, vit entre ses deux pays: l'Iran où réside toujours sa famille et la France dont elle a pris la nationalité.
Depuis dix-huit mois, elle est pratiquement la moitié du temps en Iran, affirme à l'AFP son ami, le chercheur Jean-François Bayart, ancien directeur du CERI - Centre de recherches internationales de Sciences Po-Paris - auquel elle appartient.
Mais cette double nationalité la fragilise, estime son compatriote Armin Arefi, lui aussi franco-iranien : "On peut facilement voyager dans les deux pays et, en plus, on a les contacts sur place (en Iran). Mais si on est arrêté, on est Iranien: on vit avec cette épée de Damoclès", a expliqué le journaliste-écrivain franco-iranien sur France Culture mardi.
L'Iran ne reconnaît pas la double nationalité et considère par conséquent que ses citoyens ne relèvent que de son autorité. Ainsi, la France n'a pu accéder à Mme Adelkhah.
société, jeunesse, femmes
"En tout cas, ce n'est pas une opposante politique, ça c'est sûr et certain", relève Karim Lahidji, président de la Ligue pour la Défense des Droits de l'Homme en Iran (LDDHI). "C'est même la raison pour laquelle elle était autorisée à se rendre en Iran, à y séjourner de longs mois, mener des recherches, des enquêtes, ce qui n'est pas possible pour tout le monde", détaille-t-il à l'AFP.
"Elle a toujours refusé de condamner le régime", affirme aussi M. Bayart, désormais professeur à l'Institut des Hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève. "Ça lui a valu d'être mal comprise de la diaspora et de prendre des coups des deux côtés".
"C'est une chercheuse libre, avec son franc-parler", plutôt du côté "des réformateurs" comme l'ex-président Rafsandjani ou désormais, du président (Hassan) Rohani, poursuit-il : "Elle avait décidé en 2009-2010 sous (le conservateur Mahmoud) Ahmadinejad de cesser de travailler sur l'Iran pour se consacrer à l'Afghanistan, sans jamais cesser d'aller en Iran. Depuis un peu plus d'un an, elle recommence à travailler sur l'Iran, notamment sur l'interface des clergés chiites en Iran, Afghanistan et Irak, se rendant dans les trois pays".
Pour ses pairs, Fariba Adelkhah porte un regard sensible et instruit sur la société iranienne, sur la famille, la jeunesse et les femmes.
"Or, la crainte du pouvoir est justement cette société, prise en otage aujourd'hui dans le conflit géopolitique" qui oppose l'Iran aux États-Unis à propos de l'accord sur le nucléaire, affirme Ahmad Salamatian, ancien secrétaire d'État iranien aux Affaires étrangères - en exil en France - sur France Culture.
Pour tenter de trouver une issue, la France a récemment depêché par deux fois un émissaire à Téhéran, soumis aux draconiennes sanctions américaines - au moment où Fariba Adelkhah était arrêtée, vraisemblablement début juin. Ce qui laisse penser, selon toutes conjectures, que les forces les plus radicales du régime seraient à la manoeuvre.
Tous balaient de la main les soupçons d'espionnage: "Accusation grotesque", lance même M.Digard.
Lors de l'arrestation de l'étudiante française Clotilde Reiss, détenue de juillet 2009 à mai 2010, "Fariba Adelkhah avait déclaré au (magazine) l'Express qu'en Iran, tout chercheur est considéré comme un 007", rappelle Jean-François Bayart qui se demande aujourd'hui si ses ennuis ne viennent pas de cette boutade.
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