La "petite loi énergie", qui a beaucoup grossi lors de son passage à l'Assemblée, passant de 8 à 55 articles, décrète "l'urgence écologique et climatique" et fixe plusieurs objectifs ambitieux : la "neutralité carbone" à l'horizon 2050, une baisse de 40% de la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030, contre 30% précédemment, la fermeture des dernières centrales à charbon en 2022.
Elle arrive dans l'hémicycle du Sénat alors que le ministre qui la porte est en pleine tourmente.
Le numéro deux du gouvernement, qui s'est entretenu mardi matin avec Edouard Philippe pour "leur réunion de travail bi-mensuelle habituelle", selon son entourage, devra aussi passer sur le gril des députés lors des questions au gouvernement avant de se rendre au Sénat. "Il va se faire défoncer", prophétise un député LREM qui prévient : "Lorsqu'on nous demandera d'applaudir à ses réponses, on se planquera".
M. de Rugy bénéficie pour l'heure du soutien de l'exécutif. De Belgrade où il était en visite, Emmanuel Macron a dit avoir "demandé au Premier ministre d'apporter toute la clarté" sur cette affaire afin de prendre des décisions sur la base "de faits", estimant que "sinon, ça devient la République de la délation".
Et le délégué général de LREM, Stanislas Guerini, a, en écho, pris mardi sa défense en mettant en garde contre le "tribunal médiatique" qui "cloue au pilori" un responsable politique sur "une photo, un article plein de suspicion".
"Pas de soutien, pas de démontage"
Lors de la réunion hebdomadaire à huis clos des députés LREM, le président de l'Assemblée Richard Ferrand a rappelé mardi matin la nécessité d'avoir "des faits".
"Pas de soutien, mais pas de démontage en règle non plus", selon un député participant, qui constate que "tout le monde attend".
Le ministre s'est défendu tout le week-end après des informations en cascades de Mediapart, photos à l'appui, concernant des dîners de gala organisés lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale.
Il est "déterminé" à poursuivre son travail, selon son entourage.
A l'issue de l'examen au Sénat, prévu jusqu'à jeudi, le projet de loi ne sera toutefois pas adopté définitivement avant la pause estivale, faute de temps pour chercher un compromis entre les deux assemblées, a-t-on appris mardi de source parlementaire.
Le projet énergie et climat entérine le report de 2025 à 2035 de l'objectif de ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50% contre plus de 70% aujourd'hui. Il pérennise aussi le Haut conseil pour le climat instauré en novembre par Emmanuel Macron et prévoit des dispositifs de lutte contre les fraudes aux certificats d'économies d'énergie (CEE).
Les députés ont en outre introduit un dispositif progressif pour la rénovation énergétique des logements et les "passoires thermiques", ces quelques sept millions de logements mal isolés.
Pour le ministre, le projet de loi "répond à une attente citoyenne forte" et "s'inscrit dans une action de longue durée".
"Logements passoires"
Mais le rapporteur de la commission des Affaires économiques, Daniel Gremillet (LR), regrette une "petite" loi par "son absence de vision stratégique à long terme".
En commission, les sénateurs ont assigné des objectifs supplémentaires "réalistes" pour le développement des énergies renouvelables : au moins 27 gigawatts (GW) d'hydroélectricité en 2028, développement d'au moins 1 GW par an d'éolien en mer, posé et flottant, jusqu'en 2024 et 8% de biogaz en 2028 pour s'assurer que l'objectif des 10% en 2030 sera bien tenu.
Comme à l'Assemblée, le dossier des "passoires thermiques" devrait donner lieu à des débats animés. Des ONG ont déjà regretté une absence "d'obligation ferme", selon les termes de la Fondation Hulot.
En commission, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements pour renforcer encore l'information des locataires et des acheteurs et pour rendre certaines obligations plus progressives.
"La contrainte s'avère souvent à la fin contre-productive, notamment parce qu'elle sort un grand nombre de logements du marché", argumente le rapporteur Gremillet.
A gauche, on crie à l'urgence. Pour Fabien Gay (CRCE à majorité communiste), "il faut un plan Marshall". Le PS réclame "un plan d'envergure" et déplore que les sanctions soient différées à 2028.
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