Occupées à manger du foin dans leur enclos, les girafes du zoo de Munich jettent un coup d'oeil curieux au docteur Günter Strauss, même si elles ignorent qu'il est train de parler de leur intimité.
"Les girafes sont bisexuelles. Dans certains groupes, 90% des actes observés sont de nature homosexuelle", déclare ce biologiste et guide de cette visite consacrée à l'homosexualité, dont plusieurs éditions sont organisées cette semaine dans le cadre de la semaine de la fierté LGBT.
Perchés sur des rochers quelques enclos plus loin, les manchots de Humboldt n'ont rien à envier à leurs grandes voisines tachetées : ici, deux mâles vivent en couple. Cette année, à défaut d'oeuf, ils se sont emparés d'une pierre pour la couver.
Et c'est une affaire qui dure. "Les manchots entretiennent des relations homosexuelles qui peuvent durer toute une vie, ce qui est très rare dans le monde animal", explique Günter Strauss.
Contrer les réactionnaires
À quelques mètres de là, le lion accueille les visiteurs avec un rugissement. Le guide lui répond "Servus !", une salutation bien bavaroise, avant de revenir à son sujet : "8% des actes sexuels chez les lions sont de nature homosexuelle. Les lionnes, elles, ne manifestent des comportements lesbiens qu'en captivité".
Si des centaines d'espèces - des éléphants aux serpents, en passant par les oiseaux - manifestent des comportements homosexuels, ces rapports diffèrent souvent de l'homosexualité humaine.
"Chez l'Homme, on grandit avec une orientation sexuelle spécifique. Chez les animaux, ce n'est souvent pas le cas", raconte le biologiste, "ils sont en fait bisexuels. Ils adoptent certains comportements sexuels à certains moments, de manière plus ou moins marquée".
Pour le zoo de Munich, lever le tabou sur les rapports homosexuels chez les animaux est une manière de promouvoir la tolérance chez les humains.
"C'est important pour nous d'en parler car nous voyons malheureusement qu'en Allemagne, de plus en plus de personnes issues de la droite réactionnaire s'attaquent aux libertés des LGBTIQ", martèle le porte-parole du parc animalier Dennis Späth, en référence à l'abréviation de "Lesbian Gay Bisexual Trans Intersex Queer".
Le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne, qui a fait une entrée tonitruante au parlement allemand en 2017 et bavarois en 2018, s'est ainsi posé en parti de la famille dite traditionnelle et n'a cesse de dénoncer la "folie du genre", en référence aux études qui distinguent sexe et genre.
Tabou zoologique
Si la tolérance a gagné rapidement du terrain ces dernières années dans la société allemande comme bavaroise, le gouvernement, dominé par des conservateurs depuis 2005, a mis plus de temps.
Le mariage pour tous n'est intervenu qu'en 2018 et les autorités n'ont réhabilité qu'en 2017 les quelque 50.000 hommes condamnés pour homosexualité sur la base d'un texte nazi resté en vigueur jusqu'en 1994.
Par ailleurs, les actes homo ou transphobes sont en hausse. En 2018, 91 actes de violences homo ou transphobes ont été recensés en Allemagne, soit une vingtaine de plus que l'année précédente. Des statistiques qui restent partielles, selon les associations et les médias, du fait de l'absence de données policières fédérales consolidées.
Comme chez l'homme, parler d'homosexualité est longtemps resté tabou en zoologie. Chez les manchots par exemple, "un docteur avait observé des accouplements entre mâles lors d'une expédition dans le pôle Sud au début du 20e siècle et s'il a publié le résultat de ses recherches, il a évincé les pages consacrées à ces comportements", explique Dr. Strauss.
"On les a finalement retrouvées il y a huit ou neuf ans, dans une bibliothèque en Angleterre", sourit-il.
Les temps ont donc changé pour les oiseaux aussi. Et le zoo de Londres a déployé pour la Pride Week une banderole sur la plage de ses manchots : "Some Penguins are gay. Get over it", comprendre "certains pingouins sont gays. Faites avec".
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