En début d'après-midi, Xavier Niel, fondateur de Free (groupe Iliad), a annoncé avoir pris le contrôle des 34% de Nice-Matin détenus depuis 2016 par le groupe belge Nethys via sa holding Avenir Développement. Une acquisition qui lui ouvrait théoriquement la voie vers 100% du capital du quotidien régional en vertu du pacte d'actionnaires liant Avenir Développement et la SCIC Nice-Matin, cette coopérative où les salariés ont investi leur 13e mois en 2014 pour en acquérir les 66% restants.
Mais les 456 salariés-actionnaires, réunis en assemblée générale vendredi après-midi, ont assez largement rejeté le projet Niel, optant à 60% pour celui d'Iskandar Safa. Un vote qui entraîne de fait une dénonciation du pacte d'actionnaires.
La tension était forte au sein du groupe Nice-Matin vendredi soir. Car le collège des journalistes s'est prononcé à une très large majorité (98,33%) pour l'offre de Niel, par 137 voix contre 6. Des élus au CHSCT du groupe ont d'ailleurs dénoncé vendredi soir dans un communiqué "les menaces physiques et psychologiques" dont auraient été victimes plusieurs salariés de la part d'élus CGT de l'entreprise.
"Non à Safa ! C'est le message fort et clair qui a été délivré par les journalistes", ont insisté les rédactions du groupe dans un communiqué vendredi soir, en annonçant leur décision de cesser le travail. Une décision qui devrait entraîner l'absence dans les kiosques samedi des titres Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin.
"Deux vérités"
Car avec ce vote pour M. Safa, et la dénonciation du pacte d'actionnaires qu'il entraîne de fait, les journalistes craignent désormais que le groupe soit "plongé dans une bataille judiciaire longue, coûteuse et incertaine". "Nous sommes face à deux vérités", a jugé Denis Carreaux, le directeur des rédactions du groupe, auprès de l'AFP: "La vérité juridique et économique, qui fait que le pacte d'actionnaires donne un droit de préemption à M. Niel sur les 66% du capital détenus par la SCIC, au 1er février 2020. Et la vérité de l'assemblée générale".
En présentant son projet devant les salariés vendredi, M. Safa s'est engagé à prendre en charge tous les frais judiciaires d'éventuelles procédures à venir, a précisé M. Carreaux. La réaction de M. Niel au rejet de son offre par les salariés n'était pas encore connue vendredi soir.
Dans un courrier aux salariés du groupe, jeudi, le patron de Free avait pourtant tenté de les amadouer, en précisant notamment qu'il était disposé à proposer "un prix supérieur" aux 925.000 euros prévus par le pacte d'actionnaires pour le rachat des 66% détenus par la SCIC.
Dans ce courrier envoyé aux coopérateurs de la SCIC, à Jean-François Roubaud, le président du conseil de surveillance du groupe Nice Matin, et à Jean-Marc Pastorino, son président du directoire, M. Niel soulignait de même que les salariés qui souhaiteraient rester actionnaires pourraient le faire, via la SCIC ou une autre structure, à hauteur de 10 à 20% maximum.
Le feuilleton va donc continuer autour de Nice-Matin. Il avait démarré début mars avec l'ouverture d'une procédure de sauvegarde visant le journal, et ce à la demande de ses dirigeants, lassés des actionnaires belges de Nethys, qualifiés d'"absents".
A un an des élections municipales, avec un possible duel entre Christian Estrosi, le maire LR de la ville, et son ancienne éminence grise, Eric Ciotti, cette lutte pour le contrôle de Nice-Matin sera en tous cas scrutée attentivement sur la côte d'Azur.
Déjà candidat à la reprise de Nice-Matin en 2014, avec d'autres partenaires, M. Safa est lié à la famille Leroy, qui dirige la mairie de Mandelieu-La Napoule depuis près de 25 ans et incarne l'aile dure de la droite LR, la tendance du député Ciotti. M. Niel, lui, est souvent présenté comme proche d'Emmanuel Macron. Et M. Estrosi, étiquetté "Macron-compatible", a encore appelé les Républicains début juin à travailler dans des "coalitions avec la majorité présidentielle".
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