Ce vendredi de manifestations massives est aussi le premier depuis l'expiration, le 9 juillet, du délai d'intérim à la tête de l'Etat, confié par la Constitution durant 90 jours maximum, au président de la Chambre haute Abdelkader Bensalah.
Celui-ci a fait savoir qu'il resterait néanmoins chef de l'Etat par intérim, hors du cadre constitutionnel, jusqu'à l'élection d'un nouveau président à une date indéterminée, la présidentielle convoquée le 4 juillet pour élire un successeur à Abdelaziz Bouteflika ayant été annulée faute de candidats.
Mercredi, le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, véritable homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika le 2 avril, a réaffirmé le soutien du haut commandement militaire au président Bensalah et souhaité la tenue d'une présidentielle "dans les plus brefs délais" via un "dialogue national".
Une partie de la nuit, à Alger, Oran (nord-ouest) et Constantine (nord-est) notamment, de nombreux Algériens ont fêté la qualification de leur pays en demi-finale de la CAN-2019.
Jeudi soir, un immense cri de joie a retenti dans Alger, à la fin de la séance des tirs au but contre la Côte d'Ivoire, auquel ont rapidement succédé klaxons et youyous dans divers quartiers de la ville.
Malgré cette nuit de fête et un impressionnant quadrillage policier en place depuis les premières heures de la journée, une foule immense a envahi les rues du centre d'Alger.
Les manifestants répondent au chef d'état-major en réclamant à grands cris "un Etat civil, pas militaire" et en affirmant n'avoir "pas confiance en Gaïd Salah".
Police et huile de moteur
"C'est Alger la Bleue", a commenté à la vue des uniformes policiers un passant, transformant ironiquement le surnom d'"Alger la Blanche" communément donné à la capitale en raison de la couleur des immeubles du centre-ville qui dominent la mer.
Des files ininterrompues de camionnettes de police sont garées des deux côtés des rues que doit emprunter le cortège, réduisant sérieusement l'espace pour les manifestants.
De l'huile de moteur a également été versée sur des escaliers, des parapets de bouches de métro ou des lampadaires sur lesquels ont l'habitude de se jucher des manifestants, selon des journalistes de l'AFP qui ont également vu, comme à plusieurs reprises les semaines précédentes, une dizaine de personnes être interpellées, sans motif apparent.
Sur Twitter, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), a dénoncé un "dispositif sécuritaire" montrant "une volonté manifeste d'empêcher les marches pacifiques à Alger".
"Barrages filtrants de la gendarmerie aux entrées de la capitale, dispositif policier impressionnant qui occupe les itinéraires de la marche, des policiers en civils déployés partout, des fouilles des passant-e-s, des interpellations", a-t-il détaillé.
Exaspération
Parmi les manifestants, Aïcha Sahli, la soixantaine, se dit "exaspérée par un gouvernement qui s'impose au peuple". "Le pouvoir doit comprendre que nous refusons des élections avec les rois de la fraude", explique-t-elle à l'AFP.
Le "Hirak" (mouvement de contestation) refuse que les anciens hauts responsables de la présidence Bouteflika, M. Bensalah et le général Gaïd Salah en tête, organisent le scrutin devant permettre d'élire son successeur et exige leur départ du pouvoir et la mise en place d'institutions de transition avant toute élection, une revendication catégoriquement rejetée par les autorités.
M. Bensalah a proposé début juillet la création d'une instance de dialogue en vue de préparer la présidentielle, sans participation des autorités civiles et militaires, mais le cadre flou laisse sceptique les manifestants.
"Plus d'une semaine après avoir annoncé un dialogue sans la participation de l'Etat, silence radio. On n'en sait pas plus sur ce dialogue et qui va le mener et avec quelles prérogatives", note Fatma Zohra, enseignante à la retraite.
Pour Abdelhak, chauffeur de taxi, les dirigeants algériens "gagnent du temps en cherchant comment faire pour nous faire avaler des couleuvres".
De précédentes propositions de "dialogue" formulées par le pouvoir ont été rejetées par les figures de la contestation, qui dénoncent essentiellement un ordre du jour --l'organisation de la présidentielle-- imposé et non négociable.
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